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Photo rĂ©aliste d’une salle de marchĂ© plongĂ©e dans la pĂ©nombre, oĂč des Ă©crans gĂ©ants affichent des courbes descendantes rouges. En premier plan, une silhouette ouvriĂšre floue regarde la scĂšne Ă  travers une vitre fissurĂ©e. LumiĂšre froide, ambiance oppressante, style photo-reportage Ă©conomique.

Par uneautrevie.org

Le capitalisme n’est pas un systĂšme Ă©conomique neutre : c’est une architecture sociale conçue pour extraire la richesse de la majoritĂ© au profit d’une minoritĂ©. Son moteur repose sur une tension permanente : d’un cĂŽtĂ©, la coopĂ©ration nĂ©cessaire des travailleurs ; de l’autre, la peur constante, pour les capitalistes, de voir cette solidaritĂ© devenir une force politique. Trop de cohĂ©sion populaire, et tout vacille.
Alors, pour protĂ©ger son Ă©difice, la classe dominante a inventĂ© deux armes puissantes : le camouflage du rĂŽle rĂ©el de l’État dans l’accumulation du capital, et l’isolement du pouvoir Ă©conomique des citoyens.


L’État n’est pas un arbitre : c’est un partenaire silencieux du capital

La fable du marchĂ© libre prĂ©tend que l’économie vit en dehors du politique. Que l’État doit “laisser faire” pour que les lois de l’offre et de la demande apportent Ă  tous le bien-ĂȘtre matĂ©riel. Mais l’histoire prouve l’inverse.
À chaque crise – guerres, pandĂ©mies, effondrements financiers – ce sont les États qui volent au secours du capital, pas les marchĂ©s qui sauvent les peuples.

En 2020, face Ă  la pandĂ©mie, des milliers de milliards furent injectĂ©s dans les Ă©conomies mondiales. Puis, dĂšs que le choc fut absorbĂ©, les gouvernements ont brandi un vieux remĂšde : l’austĂ©ritĂ©.
Ce mot, qui sonne comme une vertu, cache un mĂ©canisme brutal : faire payer les coĂ»ts de la crise Ă  ceux qui ne l’ont pas provoquĂ©e.


L’austĂ©ritĂ© : invention d’une classe pour discipliner l’autre

L’austĂ©ritĂ© n’est pas nĂ©e avec Maastricht ou Bruxelles. Elle remonte Ă  l’aprĂšs-PremiĂšre Guerre mondiale, quand les travailleurs, galvanisĂ©s par les sacrifices du front, revendiquaient une part du pouvoir.
Les Ă©lites Ă©conomiques ont alors compris que le vĂ©ritable danger n’était pas la dette publique, mais la dĂ©mocratie sociale.
Elles ont donc conçu un rĂ©cit : les pauvres dĂ©pensent trop, les États vivent au-dessus de leurs moyens, il faut “resserrer la ceinture”. En rĂ©alitĂ©, il s’agissait de rediriger les richesses vers les Ă©pargnants et les investisseurs “responsables”, tout en rendant la pauvretĂ© Ă  nouveau docile.

Depuis, ce rĂ©cit n’a jamais cessĂ© d’ĂȘtre rejouĂ© :

aprĂšs 1945, pour freiner les ambitions ouvriĂšres ;

dans les annĂ©es 1980, avec Reagan et Thatcher, pour “libĂ©rer” les marchĂ©s ;

aprùs 2008, pour effacer les dettes
 des banques ;

et aujourd’hui encore, dans l’Union europĂ©enne, oĂč la Commission et la BCE redĂ©couvrent la “discipline budgĂ©taire”.


Technocratie et “indĂ©pendance” : le nouveau visage de la domination

Les architectes modernes de l’austĂ©ritĂ© ne portent plus de haut-de-forme : ils siĂšgent Ă  Francfort, Bruxelles, Washington ou Paris, sous le nom de “comitĂ©s d’experts”.
Cette technocratie Ă©conomique se prĂ©sente comme apolitique, au-dessus des passions. Mais c’est justement lĂ  son gĂ©nie : soustraire le pouvoir Ă©conomique au dĂ©bat dĂ©mocratique.
Les banques centrales “indĂ©pendantes”, les agences de notation, les “rĂšgles d’or” budgĂ©taires
 tout concourt Ă  rendre les politiques sociales illĂ©gitimes et les politiques d’austĂ©ritĂ© inĂ©vitables.

DerriĂšre les formules de neutralitĂ© – “lutte contre l’inflation”, “rĂ©duction des dĂ©ficits” – se cache une guerre de classe raffinĂ©e. La Banque centrale europĂ©enne, par exemple, a relevĂ© ses taux dix fois entre 2022 et 2024, Ă©tranglant les budgets sociaux et freinant la transition Ă©cologique au nom d’une inflation dĂ©jĂ  rĂ©sorbĂ©e. Pendant ce temps, les profits du CAC 40 ont atteint des records historiques.


L’austĂ©ritĂ© comme contre-rĂ©volution permanente

L’austĂ©ritĂ© agit comme une police invisible : elle discipline sans frapper.
Elle rappelle aux travailleurs que toute amĂ©lioration sociale est provisoire, conditionnĂ©e Ă  la “bonne santĂ©â€ des marchĂ©s.
Elle maintient la peur du chÎmage comme arme économique, favorisant la soumission salariale.
Et surtout, elle dĂ©truit le lien entre dĂ©mocratie et bien commun : mĂȘme Ă©lus, les dirigeants disent “nous ne pouvons pas faire autrement”.

Pourtant, l’histoire rĂ©cente montre qu’il existe toujours des alternatives.
Les plans de relance post-Covid avaient briĂšvement esquissĂ© un autre modĂšle : celui d’un État qui investit massivement dans la santĂ©, l’énergie, l’éducation.
Mais la fenĂȘtre s’est refermĂ©e sous la pression des marchĂ©s financiers. En 2025, l’Europe revient au “pacte de stabilitĂ©â€, synonyme d’écoles fermĂ©es, de retraites amputĂ©es, et de soins rationnĂ©s.


Le masque tombe

Comme l’écrivait Karl Marx, la coercition du capital est souvent “silencieuse”. Le travailleur, dĂ©pendant du salaire pour vivre, se soumet sans qu’on ait besoin de le contraindre physiquement.
Mais lorsque les crises s’enchaünent, le masque tombe.
Alors, l’austĂ©ritĂ© apparaĂźt pour ce qu’elle est : un instrument de guerre sociale dĂ©guisĂ© en gestion comptable.

RĂ©vĂ©ler cela n’est pas un exercice de thĂ©orie, c’est une nĂ©cessitĂ© politique.
Car tant que l’austĂ©ritĂ© semblera “raisonnable”, le capital continuera de rĂ©gner.
Mais lorsque ses justifications morales tomberont, peut-ĂȘtre apercevrons-nous enfin la faille dans l’armure.


Conclusion : Rompre le charme

Ce que les Ă©conomistes nĂ©olibĂ©raux appellent “rĂ©alisme” n’est qu’un mot poli pour rĂ©signation.
Rompre le charme, c’est refuser cette rĂ©signation.
C’est rappeler que l’économie n’est pas une loi de la nature, mais un choix collectif ;
que la dĂ©mocratie n’a pas vocation Ă  s’arrĂȘter aux portes des banques centrales ;
et que l’austĂ©ritĂ© n’est pas une fatalitĂ©, mais un choix politique, au service d’une minoritĂ©.


Sources

Clara E. Mattei, L’Ordre capital (La DĂ©couverte, 2024)

OCDE : Economic Outlook 2025

BCE : Rapport sur la stabilité financiÚre, juin 2025

FMI : Global Fiscal Monitor, septembre 2025

Karl Marx, Le Capital, vol. I

📰 Austerity: The Silent War of Capital Against Democracy

By uneautrevie.org

Capitalism is not a neutral economic system — it is a social architecture designed to extract wealth from the many for the benefit of the few.
Its engine runs on permanent tension: on one side, the cooperation of workers; on the other, the constant fear of capitalists that this solidarity might one day turn political. Too much cohesion from below, and the system trembles.

To protect itself, the ruling class has perfected two powerful tools: concealing the true role of the state in sustaining capital accumulation, and shielding economic power from democratic interference.


The State Is No Referee — It’s the Capital’s Silent Partner

The myth of the “free market” tells us that the economy lives apart from politics. That the state must “step aside” and let the laws of supply and demand deliver prosperity to all.
But history tells a very different story.
Whenever crisis hits — wars, financial collapses, pandemics — it is the state that rescues capital, not the market that saves the people.

In 2020, faced with the pandemic, governments across the world injected trillions into their economies. And yet, once the shock was absorbed, they dusted off an old remedy: austerity.
The word sounds virtuous — “discipline”, “responsibility” — but its real function is brutal: to make the victims of the crisis pay for it.


Austerity: A Class Invention to Discipline the Other

Austerity did not begin with Maastricht or Brussels. It was born in the aftermath of World War I, when workers — having sacrificed everything — demanded a share of power.
Economic elites quickly understood that the real threat was not public debt but social democracy itself.
So they crafted a narrative: the poor spend too much, the state lives beyond its means, and the only cure is to “tighten belts.”
In truth, austerity’s aim was to redirect wealth toward the “responsible” investors and savers, while making poverty obedient again.

That story has been replayed endlessly:

after 1945, to curb postwar worker militancy;

in the 1980s, under Reagan and Thatcher, to “liberate” markets;

after 2008, to erase the debts — of banks;

and again today, in the European Union, as Brussels and the ECB rediscover “fiscal discipline”.


Technocracy and “Independence”: The New Face of Domination

Today’s architects of austerity no longer wear top hats. They sit in Frankfurt, Brussels, Washington, or Paris, and call themselves “experts.”
This technocratic class claims to be apolitical, rational, scientific — and that is precisely its strength: to remove economic decisions from democratic debate.

Independent central banks, rating agencies, fiscal “golden rules”
 all of it works to make social policy illegitimate and austerity unavoidable.

Behind neutral phrases like “fighting inflation” or “reducing deficits” hides a refined class war.
The European Central Bank, for instance, raised interest rates ten times between 2022 and 2024, strangling public investment and slowing ecological transition — in the name of curbing an inflation already fading. Meanwhile, corporate profits on the CAC 40 reached historic highs.


Austerity as Permanent Counter-Revolution

Austerity acts as an invisible police.
It disciplines without beating.
It reminds workers that every social gain is temporary, conditional on the “health” of the markets.
It maintains the fear of unemployment as an economic weapon, ensuring submission through scarcity.
And above all, it severs democracy from the common good: even elected governments now say, “we have no choice.”

Yet history shows that alternatives do exist.
The post-Covid recovery plans briefly sketched another model — one where the state invested massively in health, energy, and education.
But that window closed under the pressure of financial markets.
By 2025, Europe is back to its “stability pact”: a euphemism for closed schools, frozen pensions, and rationed hospitals.


When the Mask Falls

As Karl Marx wrote, capital’s coercion is often “silent.” The worker, dependent on wages to survive, submits without needing to be forced.
But when crises multiply, the mask slips.
Then austerity appears for what it truly is: an instrument of social warfare disguised as budget management.

Exposing this truth is not an academic exercise — it is a political necessity.
For as long as austerity appears “reasonable,” capital will continue to rule.
But when its moral justifications crumble, we may finally glimpse the crack in its armor.


Breaking the Spell

What neoliberal economists call “realism” is nothing but a polite word for resignation.
Breaking the spell means refusing resignation.
It means remembering that the economy is not a law of nature, but a collective choice.
That democracy should not stop at the doors of central banks.
And that austerity is not fate — it is a political choice, serving a minority at the expense of the majority.


References

Clara E. Mattei, The Capital Order (Penguin, 2024)

OECD, Economic Outlook 2025

European Central Bank, Financial Stability Review, June 2025

IMF, Global Fiscal Monitor, September 2025

Karl Marx, Capital, Vol. I