De la liberté d’expression au chaos : faut-il craindre les nouveaux maîtres du web ?

Mark Zuckerberg, Elon Musk et Donald Trump : une alliance qui interroge notre démocratie
Le ralliement de Mark Zuckerberg à Donald Trump et Elon Musk a suscité une levée de boucliers, perçue par beaucoup comme une trahison. Ceux qui voyaient autrefois en Facebook et Instagram des résistants de l’ère numérique – des Princesses Leia opposées au Dark Vador incarné par Musk et ses positions controversées – doivent désormais faire face à une désillusion. Cependant, ces cris d’orfraie risquent de nous distraire de questions essentielles : comment en sommes-nous arrivés là ? Et surtout, que devons-nous faire pour contrer la montée en puissance du populisme ?
L’évolution inquiétante de Mark Zuckerberg : entre muscles et masculinité toxique
Le changement d’attitude de Mark Zuckerberg n’est pas passé inaperçu. Hier symbole de l’entrepreneur millénial avec son bol de céréales et son idéalisme technologique, il s’affiche aujourd’hui en amateur de MMA, transformé physiquement et idéologiquement. Ce virage n’est pas qu’une anecdote de son parcours personnel : il reflète une évolution plus profonde et significative. La suppression du service de fact-checking sur Facebook et Instagram, annoncée dans ce contexte, en dit long sur cette mutation.
Pourquoi abandonner les fact-checkers, autrefois présentés comme des gardiens de la vérité face à la désinformation ? Peut-être parce qu’ils sont devenus, dans cette nouvelle idéologie libertarienne adoptée par Zuckerberg, un symbole de fragilité. Dans cette vision du monde, influencée par Musk et Trump, il faut accepter la confrontation brute, sans filet de sécurité. Toute contradiction est réduite à une question de rapport de force, quitte à ouvrir la porte à des dérives où la violence – verbale ou physique – prend le dessus.
La fin des fact-checkers : une décision motivée par l’argent, mais pas seulement
Le retrait des fact-checkers de Meta (Facebook et Instagram) s’inscrit également dans une stratégie économique claire : séduire un public de plus en plus hostile aux régulations perçues comme intrusives ou biaisées. Mais au-delà de la quête de profit, cette décision révèle un alignement avec une idéologie libertarienne qui valorise la liberté d’expression absolue, parfois au détriment de la vérité et du respect d’autrui. Cette idéologie s’accorde avec la vision de Donald Trump, qui privilégie des relations internationales basées sur le "deal viril" plutôt que sur des accords multilatéraux encadrés par des règles et des traités.
Le risque ? Une régression vers une domination des puissants, où la démocratie est supplantée par une forme de compétition brutale, tant sur la scène internationale que dans le débat public.
Le retour de bâton : du wokisme au virilisme conservateur
Ce basculement idéologique ne se limite pas à Zuckerberg. Il illustre un phénomène plus large, déjà visible lors de la dernière élection présidentielle américaine. Le rejet massif des idées dites "wokes", souvent associées à des questions de genre ou de déconstruction identitaire, a alimenté un retour de bâton viriliste et conservateur. Ce rejet, encouragé par les républicains, s’appuie sur une peur viscérale : celle d’une perte des repères traditionnels, notamment entre hommes et femmes, perçus comme les fondements du "sens commun" et de la pérennité de l’espèce.
Les démocrates, en choisissant de ne pas critiquer ouvertement ces idées wokes, ont laissé le champ libre à leurs opposants. Résultat : des avancées fragiles pour les droits des minorités sexuelles et des femmes, obtenues après des décennies de luttes, sont aujourd’hui menacées. La révocation du droit à l’avortement dans certains États américains en est un exemple frappant.
Face à Musk et Zuckerberg : préserver la démocratie et l’État de droit
Il serait tentant de rejeter en bloc les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram ou X (ex-Twitter), accusés d’être devenus des instruments de désinformation et de polarisation. Pourtant, la solution ne réside pas dans un abandon pur et simple de ces plateformes, mais dans leur régulation. Les "notes de communauté" déployées sur X, permettant de signaler des contenus fallacieux, sont une piste intéressante, bien qu’imparfaite. Ces outils montrent qu’il est possible de promouvoir un débat public plus sain, sans sombrer dans la censure.
Elon Musk, en revanche, pousse dans une direction dangereuse. En s’attaquant au rôle des médias et des institutions démocratiques – qu’il juge inutiles ou corrompus – il prône une vision du monde où la loi du plus fort prévaut. Une telle approche ne fait que renforcer les populismes, en offrant des réponses simplistes à des problèmes complexes. Paradoxalement, Musk, qui doit ses succès technologiques à la rigueur scientifique et à la méthode, semble ignorer que la vérité ne se construit pas par des certitudes, mais par des hypothèses et des débats.
Ne pas céder à la tentation du simplisme
Les idéologies extrêmes, qu’elles soient wokes ou libertariennes, partagent un même défaut : elles simplifient à outrance des réalités humaines et sociales infiniment complexes. Si le politiquement correct a pu inhiber certains débats essentiels, le risque aujourd’hui est inverse : une explosion de la parole brutale et débridée, au détriment de la réflexion et du dialogue.
Il nous appartient donc de défendre la démocratie, non pas en censurant ou en diabolisant, mais en encourageant un véritable débat d’idées. Cela passe par une régulation des plateformes numériques, le respect de l’État de droit, et la valorisation des médias indépendants. Comme le montre l’exemple de "Charlie Hebdo", la satire peut être une arme puissante pour contrer les dérives populistes, à condition qu’elle reste ancrée dans une recherche sincère de la vérité.
En conclusion : un défi collectif
Mark Zuckerberg, Elon Musk et Donald Trump ne sont que les symptômes d’un malaise plus profond qui touche nos démocraties. Face à eux, il ne suffit pas de s’indigner ou de dénoncer. Il faut réinvestir les espaces publics – qu’ils soient numériques ou physiques – pour défendre des valeurs universelles comme la vérité, l’égalité et le respect. Cela demande du courage, de l’intelligence collective et une vision à long terme. La démocratie n’est pas un acquis, mais un combat quotidien.