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NOTATION S&P : LES PRESSIONS DE BRUNO LE MAIRE MAINTIENNENT L'ILLUSION

Bruno Lemaire

Dans un article sur la dette publique, l’économiste Éric Heyer écrit : « Si la France reste bien notée, c’est parce qu’il n’y a pas de récession en vue à court terme, que le pays sait lever l’impôt, qu’il n’y a pas de leader extrémiste au pouvoir… ». Cette phrase est très intéressante pour comprendre la problématique actuelle. Oui, tant qu’il n’y a pas de « leader extrémiste » tout va bien (en théorie). Mais s’il en arrive un que se passe-t-il ? Surtout qu’avec les néolibéraux, « l’extrémisme » se cache derrière chaque opposant...

Imaginons que Macron démissionne cette année et qu’on arrive à un second tour Mélenchon/Le Pen, que se passera-t-il dans les mois qui suivront au niveau des marchés financiers ? Il n’est pas besoin d’être devin pour anticiper une explosion des taux d’intérêts français, qui feront fuir la confiance, précipitant une crise comme en Grèce en 2012, dont on aura du mal à se sortir cette fois.

Oublions l’aspect politique, et raisonnons sur l’aspect notation. Si une telle crise arrivait, la notation de la France serait alors dégradée, ce qui permettrait aux investisseurs par exemple de ne pas prêter à la France en 2023. Mais que se passerait-il pour les prêteurs de 2022 sur 10 ans, qui avaient fait confiance aux agences notant le pays AA ? On voit bien que la notation les aurait induits en erreur. Elle devrait tenir compte de ces risques, ce qu’elle ne fait pas, à l’évidence.

C’est comme si vous prêtiez 10 000 € à un célibataire pouvant rembourser. Mais que vous appreniez que, si par hasard il se mariait, alors il ne vous rembourserait pas, dilapidant l’argent dans le mariage. Tant qu’il est célibataire, il est « AAA », mais s’il se marie, il devient « C ». Allez-vous vraiment prendre le risque de prêter ? Et donc, un tel emprunteur est-il vraiment AAA ? Non, à l’évidence... et c'est la même chose pour les États.

Même si c’est peu populaire à dire, au final, c’est finalement la complaisance des agences de notation envers les États occidentaux, bien plus que leur sévérité, qui risque d’aboutir à la crise du siècle. Combattre le surendettement (notamment par l'imposition des plus riches et non pas par l’austérité), c’est combattre au final les politiques néolibérales et les crises des dettes publiques, et retrouver une vraie souveraineté politique.