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Donald Trump manipulant la Réserve fédérale comme une machine à imprimer des dollars, symbolisant la politisation de la monnaie américaine.

Depuis son retour Ă  la Maison-Blanche, Donald Trump ne se contente plus de ferrailler avec ses adversaires politiques. Il vise dĂ©sormais le cƓur du systĂšme : la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale. En quelques mois, il a transformĂ© la politique monĂ©taire amĂ©ricaine en champ de bataille, cherchant Ă  briser l’indĂ©pendance d’une institution qu’il juge responsable du ralentissement Ă©conomique et de l’inflation persistante.
Ce duel feutrĂ© mais explosif entre la prĂ©sidence et la Fed dĂ©passe la simple querelle institutionnelle : il redessine l’équilibre du pouvoir Ă©conomique mondial.

đŸ”„ Trump contre Powell : la revanche du politique

L’ennemi dĂ©signĂ© s’appelle Jerome Powell, prĂ©sident de la Fed — pourtant nommĂ© par Trump en 2018. Depuis sa reconduction par Joe Biden, Powell est devenu le symbole d’une technocratie « hostile » au projet trumpiste.
Depuis janvier 2025, les limogeages et menaces se multiplient. AprĂšs les agences environnementales, les services de renseignement et le DĂ©partement de la Justice, c’est dĂ©sormais la Fed qui est dans le viseur.
Trump reproche Ă  Powell d’avoir maintenu des taux trop Ă©levĂ©s, freinant la croissance, le crĂ©dit immobilier et la consommation des classes moyennes — son Ă©lectorat fĂ©tiche.

Mais le conflit a pris une dimension nouvelle avec l’affaire Lisa Cook, gouverneure dĂ©mocrate de la Fed accusĂ©e Ă  tort de fraude hypothĂ©caire par la Federal Housing Finance Agency. DerriĂšre ces accusations, les observateurs voient surtout une tentative de prise de contrĂŽle politique du comitĂ© des gouverneurs, un prĂ©cĂ©dent historique. La Cour suprĂȘme, dĂ©sormais trĂšs conservatrice, doit se prononcer dĂ©but 2026 sur la lĂ©galitĂ© du limogeage — un jugement qui pourrait redĂ©finir le statut mĂȘme de la Fed depuis 1913.

⚙ Un dollar affaibli
 mais sous contrĂŽle ?

Trump assume une politique du dollar faible pour relancer les exportations américaines, compenser les effets inflationnistes de sa guerre tarifaire et réduire le déficit commercial abyssal avec la Chine.
ProblĂšme : la Fed, elle, continue de craindre une flambĂ©e des prix et des tensions sociales. Son dernier rapport (octobre 2025) souligne que l’inflation “cachĂ©e” des biens de base dĂ©passe 6 %, tandis que les loyers explosent.
Trump accuse Powell de « trahir l’AmĂ©rique », mais en coulisses, il pousse surtout Ă  une monĂ©tisation politique de la dette, notamment pour financer ses baisses d’impĂŽts massives et ses programmes de rĂ©industrialisation.

Son administration vient mĂȘme de ressusciter un vieux serpent de mer : un « dollar numĂ©rique privĂ© », via le Genius Act, qui autorise les entreprises Ă  crĂ©er leurs propres jetons adossĂ©s Ă  la monnaie nationale. Un moyen dĂ©tournĂ© de contourner la Fed tout en ouvrant la porte Ă  une financiarisation extrĂȘme de la monnaie.

🏛 La Fed : de l’indĂ©pendance au siĂšge politique

L’histoire amĂ©ricaine regorge de tensions entre la Maison-Blanche et la Fed.
Mais jamais, depuis la rĂ©forme de 1935, un prĂ©sident n’avait cherchĂ© Ă  redessiner la composition du Conseil des gouverneurs pour y installer ses fidĂšles. Ce serait la fin d’une tradition d’équilibre entre politique monĂ©taire et responsabilitĂ© budgĂ©taire.

Les économistes Ben Bernanke et Lawrence Summers ont signé une tribune commune dénonçant une « tentative de capture institutionnelle » comparable à celles observées en Hongrie ou en Turquie.
MĂȘme le FMI s’est inquiĂ©tĂ© dans un rapport discret publiĂ© fin octobre : « La politisation de la banque centrale amĂ©ricaine pourrait dĂ©stabiliser l’économie mondiale en dĂ©clenchant une perte de confiance dans le dollar. »
Rien que ça.

📉 Le “quantitative easing” : la plaie toujours ouverte

La Fed traßne, il est vrai, son propre boulet : le quantitative easing massif lancé aprÚs 2008 et prolongé pendant la pandémie.
Ce programme, censĂ© sauver l’économie, a aussi nourri les bulles spĂ©culatives, enrichi les plus riches et creusĂ© les inĂ©galitĂ©s. En refusant toute remise en cause, les banquiers centraux ont offert Ă  Trump une cible parfaite : une institution technocratique dĂ©connectĂ©e du peuple.

Mais que propose-t-il en retour ?
Rien qui ressemble Ă  un rééquilibrage social. Sa politique vise surtout Ă  maintenir des taux bas pour Wall Street, soutenir les gĂ©ants de la Tech et garantir l’accĂšs illimitĂ© au crĂ©dit pour les entreprises proches du pouvoir.
Le tout au nom de la « grandeur américaine ».

đŸ§© Le vrai enjeu : qui contrĂŽle la monnaie contrĂŽle le pouvoir

Ce bras de fer n’est pas une querelle d’égo. Il s’agit d’un changement de paradigme : le retour du politique dans la gestion monĂ©taire.
Sauf qu’ici, le « politique » n’est plus l’expression du collectif, mais celle d’un pouvoir personnel.
La monnaie, censĂ©e servir l’économie rĂ©elle, devient l’arme d’un capitalisme de connivence, oĂč le dollar est utilisĂ© comme levier de domination, Ă  l’intĂ©rieur comme Ă  l’extĂ©rieur du pays.

Les partisans de l’indĂ©pendance monĂ©taire comparent la Fed Ă  Ulysse se liant au mĂąt pour ne pas succomber aux sirĂšnes du populisme budgĂ©taire.
Trump, lui, veut couper les cordes — persuadĂ© qu’il saura mieux naviguer Ă  l’instinct. Le risque, Ă©videmment, c’est le naufrage collectif.

⚖ Un XXIe siĂšcle Ă  haut risque monĂ©taire

Le XXe siÚcle avait vu naßtre la Sécurité sociale, Bretton Woods et la régulation financiÚre.
Le XXIe siĂšcle, lui, pourrait bien ĂȘtre celui de la privatisation de la monnaie : monnaies numĂ©riques privĂ©es, banques centrales sous tutelle politique, marchĂ©s dictant leurs lois.
Dans ce monde dĂ©rĂ©gulĂ©, le dollar n’est plus un symbole de stabilitĂ©, mais une arme gĂ©opolitique.

Si Trump parvient Ă  soumettre la Fed, c’est l’ordre monĂ©taire mondial lui-mĂȘme qui pourrait vaciller. Et avec lui, la frontiĂšre fragile entre la dĂ©mocratie Ă©conomique et le pouvoir absolu du capital.

🧠 En rĂ©sumĂ© :

La guerre de Trump contre la Fed n’est pas un Ă©pisode de plus dans sa croisade contre “l’État profond”. C’est la tentative la plus sĂ©rieuse depuis un siĂšcle de subordonner la monnaie amĂ©ricaine au pouvoir politique — et donc, au pouvoir de l’argent.

 

🇬🇧 English version — “Money as a Political Weapon: Trump’s Secret War Against the Fed”

Since returning to the White House, Donald Trump has been waging a new kind of war — not with foreign powers, but with the Federal Reserve, the very institution meant to shield the U.S. economy from politics.
For the first time in modern history, a U.S. president is openly trying to bend monetary policy to his will, triggering a clash that could reshape global economic power.

đŸ”„ Trump vs. Powell: Revenge of the Politician

The target is Jerome Powell, chair of the Federal Reserve — ironically appointed by Trump himself back in 2018. Since being reappointed by Joe Biden, Powell has become the symbol of an elite “deep state” the president loves to vilify.
Since January 2025, Trump has turned his fury on the Fed, blaming it for high interest rates, slow growth, and the burden on middle-class households.

The confrontation escalated with the Lisa Cook affair: a Democratic Fed governor accused of mortgage fraud by the Trump-aligned Federal Housing Finance Agency — allegations widely seen as political. The Supreme Court will hear the case in early 2026, and its ruling could determine whether the president can directly dismiss Fed officials.
In short: the independence of the Federal Reserve is hanging by a thread.

đŸ’” A Weak Dollar, or a Controlled One?

Trump advocates for a weaker dollar to boost exports and offset the inflationary impact of his trade war. Yet inflation remains stubbornly high — over 6% on basic goods according to the Fed’s October report — and Powell refuses to flood the markets with liquidity.
Behind the rhetoric, Trump’s real goal is political: to monetize U.S. debt and keep rates low to finance tax cuts, industrial subsidies, and election promises.

His latest weapon, the Genius Act, even allows private digital currencies pegged to the U.S. dollar, bypassing the Fed entirely. Critics warn it could lead to the privatization of monetary sovereignty itself.

🏛 End of an Era: The Fall of Central Bank Independence

Economists like Ben Bernanke and Lawrence Summers have warned of “institutional capture” — a creeping authoritarianism disguised as economic reform.
A confidential IMF memo leaked in late October calls it bluntly:

“The politicization of the U.S. central bank risks destabilizing global confidence in the dollar.”

If Trump succeeds, it won’t just be a domestic power shift — it could upend the world’s monetary architecture.

⚖ The Real Question

Who controls money, controls the future.
What Trump calls “re-empowering the people” looks much more like empowering the plutocrats.
The Federal Reserve may be flawed, but handing monetary control to a single political leader — especially one who sees institutions as personal obstacles — is a recipe for disaster.

The dollar is no longer just the world’s reserve currency.
Under Trump, it’s becoming a weapon — aimed, first and foremost, at America itself.