L’arnaque du « modèle social trop cher » : ce que disent vraiment les chiffres
Introduction
Impôts, cotisations, « charges »… Sur la fiche de paie, elles paraissent lourdes. Mais à l’échelle d’une vie, le modèle social français fonctionne comme une épargne collective : on contribue quand on peut (vie active), on reçoit quand on en a besoin (maladie, chômage, retraite). Les comparaisons internationales montrent que la France n’est pas une « gabegie » isolée, mais un choix de financement plus mutualisé que chez beaucoup de voisins — avec, en contrepartie, un reste à charge parmi les plus faibles d’Europe. Banque de France+1
Idée reçue n° 1 — « On paie beaucoup pour recevoir peu »
La protection sociale n’est pas un guichet à sens unique : c’est du salaire différé. On verse pendant la vie active, puis l’on récupère ces droits sous forme de pensions, de remboursements de soins, d’allocations familiales ou d’indemnisation du chômage. Partout en Europe, la « protection sociale » est la principale fonction de la dépense publique ; la France se distingue surtout par un degré de mutualisation plus élevé, pas par une dépense totale “hors norme” dès qu’on additionne public et privé. Banque de France
Ce qui compte pour les ménages : le reste à charge
En santé, l’indicateur décisif n’est pas l’impôt, mais ce qu’il reste à payer au moment du soin. La France est au plus bas de l’UE : environ 9 % de dépenses de santé restent à la charge directe des ménages (≈ 15 % en moyenne UE). Concrètement, cela réduit les renoncements et évite les ruines personnelles en cas de gros pépin. OECD
À l’inverse, « plus de marché » ne signifie pas « moins cher ». Les États-Unis sont de très loin les plus dépensiers au monde en santé : environ 12 555 $ par personne en 2022 (USD PPA), pour des résultats sanitaires inégaux et une forte charge financière privée. Le marché ne fait pas mécaniquement baisser la note — souvent, il l’augmente. OECD+1
À retenir
Nos cotisations = épargne collective sur le cycle de vie.
La France achète de la sécurité au moment critique (maladie) en échange d’un financement plus mutualisé en amont. OECD
Idée reçue n° 2 — « La France est championne de la dépense publique, donc la gabegie règne »
Oui, la dépense publique totale y est élevée (≈ 57 % du PIB en 2024, contre ≈ 49,6 % en zone euro). Mais l’écart s’explique d’abord par un choix de collectiviser davantage la protection sociale (pensions, santé, famille). Une part de ce que d’autres font payer via primes privées transite en France par l’impôt et les cotisations. La dépense existe partout : seul le canal (public/privé) diffère. Banque de France+1
La Banque de France (données Eurostat COFOG) attribue l’essentiel de l’écart avec la zone euro à la protection sociale ; le reste provient de choix de politique publique (éducation, logement) et d’un poste « affaires économiques » plus élevé (aides aux entreprises, infrastructures). On parle donc d’arbitrages de société, pas d’une « gabegie indistincte ». Banque de France
À retenir
La France dépense plus là où elle mutualise plus (Sécu).
L’écart n’implique pas “mauvaise gestion”, mais préférences collectives et structure des comptes. Banque de France
Santé : mutualiser, c’est payer moins… quand on est malade
Reste à charge : France ≈ 9 %, plus bas de l’UE (ex æquo Luxembourg). OECD
Dépense par tête : les États-Unis culminent (12 555 $ en 2022), loin devant la moyenne OCDE (~ 5 000 $). OECD
France 2023 : la dépense courante de santé atteint ~ 325 Md€ (+3,5 %), tirée par les soins et le médico-social ; un effort assumé de couverture. DREES
Conclusion : tous les pays riches consacrent des montants comparables (public + privé) à la santé ; la France choisit de protéger le portefeuille des malades au moment du soin grâce à un financement plus collectif en amont. OECD
Retraites : pas d’« anomalie » quand on regarde public + privé
Comparer seulement la part publique biaise tout. Une fois pensions publiques et privées additionnées, la plupart des pays se situent entre ~ 9 % et 13 % du PIB. La France est dans la fourchette, mais opte pour un système largement par répartition (moins exposé aux krachs, frais d’intermédiation plus bas). Banque de France
Point d’alerte : le COR 2024 anticipe une érosion du niveau de vie relatif des retraités à l’horizon 2070 si on ne renforce pas le financement ; le solde repasse en déficit dès 2024 et le besoin de financement persisterait à long terme. Autrement dit, l’« équilibre » futur prévu par les réformes récentes compresse déjà la part de richesse allouée aux pensions. Cor Retraites
À retenir
La France n’est pas hors normes en total retraites (public + privé).
La question n’est pas « si » on finance le vieillissement, mais comment et qui contribue. Cor Retraites
Hors Sécu : où la France dépense (un peu) plus — et pourquoi
En dehors de la protection sociale, la France n’est plus « championne » ; elle se distingue surtout par un effort plus élevé en “affaires économiques” (aides aux entreprises, infrastructures), logement et éducation. Ce sont des choix — discutables ou désirables — mais pas des dérapages mystérieux. Banque de France
Éducation : deux voyants rouges
PISA 2022 : recul marqué en maths/lecture, dans un mouvement mondial mais plus prononcé qu’espéré ; enjeu de qualité et d’équité. Ministère de l'Éducation nationale+1
Attractivité du métier : la dégradation relative du statut/salaire nuit au recrutement (OCDE). Réinvestir ici est un levier de productivité et de cohésion. OECD
Le vrai débat : financer le vieillissement, pas « détruire les droits »
Le vieillissement augmente mécaniquement retraites et santé. Trois voies non exclusives :
Recettes : meilleure taxation des très hauts revenus et grands patrimoines ; conditionnalité et revue des aides aux entreprises.
Réallocations : déplacer une partie des crédits des affaires économiques vers santé/éducation quand l’efficacité est faible. Banque de France
Efficience : prévention, premier recours, coordination ville-hôpital, achats et SI — des gains documentés dans l’OCDE. HPF Hub
Prétexter qu’il n’existe aucun choix sauf baisser les pensions et augmenter le reste à charge relève de l’idéologie, pas de l’arithmétique. Les pays qui privatisent plus ne dépensent pas moins (ex. États-Unis), mais transfèrent le risque vers les ménages. OECD
Post-scriptum budgétaire (2024-2025)
Dépense publique France ≈ 57 % du PIB en 2024 (zone euro ≈ 49,6 %). Le cadrage 2025 poursuit la désinflation budgétaire, sous contrainte de soutenabilité. Raison de plus pour sécuriser le financement de la santé et des retraites sans basculer le coût final sur les ménages. Banque de France
Conclusion
Le « mauvais deal » n’est pas celui qu’on croit. Échanger un modèle solidaire, qui protège vraiment les gens quand survient le risque, contre la promesse illusoire d’un « moins d’État » qui finit par coûter plus aux ménages n’a rien d’une bonne affaire. Le modèle français n’est ni un luxe, ni une gabegie : c’est un investissement dans la sécurité sociale au sens littéral — la sécurité de la vie ordinaire quand elle déraille.
L’enjeu n’est pas de le sacrifier, mais de le moderniser et le financer durablement : mieux cibler les aides aux entreprises, rouvrir le débat fiscal au sommet de la distribution, et réinvestir dans l’éducation/la prévention. Bref : sauver le meilleur de ce que la République a construit, au lieu de le brader au nom de dogmes qui ne tiennent pas face aux données. Banque de France+2OECD+2
Références clés
Banque de France (Eurostat/COFOG) : Où la France dépense-t-elle davantage que ses voisins de la zone euro ? (2025). Banque de France+1
OCDE – Health at a Glance 2023 : dépense santé par tête, comparaisons internationales. OECD+1
DREES : Health expenditure 2023 – Results of the health accounts. DREES
OCDE – PISA 2022 : résultats France, tendances. OECD+1
COR 2024 : synthèse et trajectoires de financement des retraites. Cor Retraites
The Scam of the “Too Expensive Welfare State”: What the Numbers Really Show
Introduction
Taxes, contributions, “social charges” — they look heavy on your payslip. But over a lifetime, the French welfare model works more like a collective savings account: you contribute when you can (during your working years) and receive support when you need it (during illness, unemployment, or retirement).
International comparisons show that France is not an isolated case of “wasteful spending.” It has simply chosen a more mutualized form of solidarity, one that provides some of the lowest out-of-pocket healthcare costs in Europe — and some of the highest protection in times of crisis.
Myth #1 — “We pay too much and get too little”
Social protection is not a one-way street — it’s deferred income. You contribute while you work, and you recover those rights later through pensions, health reimbursements, family benefits, or unemployment insurance.
Across the OECD, social protection is the main driver of public spending. France stands out not because it spends more overall, but because a larger share of that spending is pooled collectively, rather than handled privately through insurance markets.
What really matters: out-of-pocket costs
When it comes to healthcare, the real indicator isn’t taxes — it’s how much people must pay out of pocket once the treatment is done. In France, that figure is around 9% of total healthcare spending, the lowest in the EU (average ≈ 15%).
That means fewer people delay or abandon care for financial reasons, and very few are ruined by medical expenses.
By contrast, “more market” doesn’t mean “less expensive.” The United States spends more on health than any country on Earth — about $12,555 per person in 2022 — yet millions remain uninsured or underinsured. The “free market” in healthcare is not efficient; it’s a cost explosion in disguise.
Takeaway
- Your contributions are not lost money — they are long-term savings for your own protection.
- France’s collective funding model ensures that when life hits hard, the bill doesn’t fall on you alone.
Myth #2 — “France is drowning in public spending”
Yes, France’s public expenditure is high — about 57% of GDP in 2024, compared to 49.6% in the eurozone. But that gap stems largely from a structural choice: France collectivizes a wider share of health, family, and pension spending.
In many countries, those same expenses exist — but they are paid as private insurance premiums, not counted as “public spending.” The difference is statistical, not ideological.
According to the Bank of France and Eurostat (COFOG) data, roughly two-thirds of France’s higher ratio comes from social protection alone; the rest reflects policy choices in education, housing, and a larger “economic affairs” budget (state support to businesses and infrastructure). These are societal decisions, not signs of chaos.
Takeaway
- The French state spends more where it mutualizes more.
- The “waste” narrative confuses solidarity with inefficiency.
Health: mutualization means protection when it matters most
- Out-of-pocket costs: France ≈ 9% (lowest in the EU).
- Per-capita health spending: US ≈ $12,555 (2022), more than double the OECD average (~ $5,000).
- France 2023: total health expenditure ≈ €325 billion (+3.5%), mostly healthcare and long-term care — a deliberate investment in coverage.
Every wealthy country spends roughly the same total share of GDP on health (public + private). France’s difference lies in who pays when the crisis hits: individuals or the collective. Its model ensures that illness doesn’t lead to personal bankruptcy.
Retirement: no “French anomaly” when you count both public and private
Focusing only on public pensions is misleading. Once you add private pensions, most OECD countries spend between 9% and 13% of GDP on old-age income. France is right in the middle of that range — it simply does so mainly through public pay-as-you-go financing, which is more stable and cheaper to manage.
The Pensions Advisory Council (COR, 2024) nevertheless warns of a gradual decline in retirees’ relative living standards by 2070 if no new funding is introduced. The system remains sustainable only because benefits are shrinking relative to average wages — a hidden form of adjustment.
Takeaway
- France isn’t an outlier; it simply chose a public safety net over a speculative one.
- The key question is not if we’ll fund aging, but who will shoulder it — workers or capital.
Beyond social security: where France really spends more
Outside the social sphere, France is no longer the “public spending champion.” The gap lies mainly in economic affairs (business subsidies, infrastructure), housing, and education. These are deliberate policy priorities, not accounting accidents.
Education: two warning lights
- PISA 2022 shows a steep decline in maths and reading skills — worse than the OECD average drop.
- Teacher pay has eroded for 40 years compared with other university-educated professionals, fueling recruitment crises.
Reinvesting in education is not “extra spending” — it’s the most effective productivity policy a society can have.
The real debate: funding aging, not dismantling rights
An aging population inevitably raises the cost of pensions and healthcare. There are three main levers — none of them fatalistic:
- Raise new revenue by taxing ultra-high incomes and large fortunes, and conditioning corporate subsidies.
- Reallocate public spending away from low-efficiency corporate aid toward social protection.
- Improve efficiency through prevention, better coordination, and digital health management.
Claiming that “there is no alternative” but cutting benefits or raising retirement age is an ideological stance, not a fiscal fact. Privatized systems don’t spend less — they just shift risk to individuals.
Fiscal snapshot (2024–2025)
France’s public spending stands near 57% of GDP in 2024 (eurozone ≈ 49.6%), with the deficit narrowing below 6%. The 2025 budget aims for 5.4%. But the key issue is not balancing the books for its own sake — it’s preserving protection while adapting financing to a changing demographic reality.
Conclusion
The real “bad deal” would be to trade a proven, solidarity-based welfare model for the illusion of “less state” — a model that ultimately costs households more and leaves the vulnerable exposed.
France’s welfare state is not a luxury; it’s social security in the literal sense: security against life’s shocks, collectively guaranteed. The challenge is not to dismantle it but to modernize and fund it fairly — by revisiting corporate subsidies, taxing wealth effectively, and reinvesting in education and prevention.
To defend this model is not nostalgia. It’s realism — backed by data, not ideology. It’s choosing to protect what works, rather than sacrifice it on the altar of neoliberal myths.
Key References
- Bank of France / Eurostat COFOG (2025): Where France spends more than its eurozone peers
- OECD – Health at a Glance 2023: health spending per capita and out-of-pocket costs
- DREES 2023: national health accounts, France
- OECD – PISA 2022: France results and trends
- COR 2024: long-term pension projections