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Comment le marketing a inventé un organe imaginaire, celui du manque permanent.


1. Un besoin sans organe

Il n’existe pas de glande du « nouveau ».
Pas de rĂ©cepteur sensoriel pour la derniĂšre version d’un smartphone. Pas de circuit neuronal dĂ©diĂ© Ă  la sortie d’un SUV Ă©lectrique ou d’une sĂ©rie Netflix.
Et pourtant, dans nos sociĂ©tĂ©s saturĂ©es de produits, le besoin de nouveautĂ© s’impose comme une Ă©vidence biologique, un rĂ©flexe presque pavlovien. C’est une invention culturelle — et surtout, une formidable trouvaille Ă©conomique.

Depuis les annĂ©es 1950, les publicitaires ont appris Ă  parler Ă  une partie du cerveau que la biologie ignore : celle de la frustration. Le marketing n’a pas seulement vendu des produits ; il a fabriquĂ© un sentiment : celui qu’hier est dĂ©jĂ  pĂ©rimĂ©.


2. Le cercle vicieux du désir manufacturé

Le systÚme est auto-alimenté.
Les mĂ©dias vantent la derniĂšre innovation, les influenceurs relaient, les entreprises rĂ©inventent leurs propres produits Ă  peine sortis, et les consommateurs — nous — deviennent les rouages consentants d’une boucle de dĂ©sir infini.

La nouveautĂ© est devenue un capital symbolique : ce n’est plus ce que l’objet fait qui compte, mais ce qu’il reprĂ©sente — la promesse d’ĂȘtre en avance, d’appartenir Ă  l’instant.
Ce « toujours plus récent » a remplacé le « toujours mieux ».
Le progrùs technique est devenu un produit d’appel pour le progrùs social qui, lui, se fait attendre.


3. L’organe publicitaire du monde

Regarde autour de toi : la publicitĂ© n’est plus un message, c’est un environnement.
Dans les journaux, sur les murs, dans les flux de vidĂ©os, dans la bouche des influenceurs, jusque dans nos rĂȘves algorithmiques, elle devient un Ă©cosystĂšme oĂč tout se renouvelle pour ne jamais s’arrĂȘter.
Le cycle de l’attention fonctionne comme un organe vital du capitalisme : sans nouveautĂ©, il meurt.
Mais à force de se régénérer, il nous épuise.

La tĂ©lĂ©vision et les rĂ©seaux sociaux ne sont plus des fenĂȘtres sur le monde, mais des miroirs d’un Ă©ternel prĂ©sent : celui oĂč le futur est dĂ©jĂ  vendu avant d’ĂȘtre inventĂ©.


4. Une planĂšte usĂ©e jusqu’à l’ñme

Ce besoin de neuf a un coût : écologique, psychique, social.
Chaque smartphone jeté, chaque collection « printemps-été » disparue, chaque mise à jour forcée est une blessure de plus infligée à une planÚte finie.
La surconsommation n’est pas un accident, c’est la consĂ©quence logique d’un systĂšme qui transforme le dĂ©sintĂ©rĂȘt en moteur Ă©conomique.

Pendant qu’on renouvelle nos objets, le climat, lui, s’épuise.
Pendant qu’on rafraüchit nos feeds, les sols se vident.
Et pendant qu’on croit « se rĂ©inventer », nous recyclons Ă  l’infini la mĂȘme illusion.


5. Le paradoxe du bonheur figé

Rien de tout cela n’a rendu les humains plus heureux.
Toutes les enquĂȘtes le montrent : au-delĂ  d’un seuil de confort matĂ©riel, la consommation ne corrĂšle plus avec le bien-ĂȘtre.
La nouveautĂ© permanente crĂ©e l’ennui perpĂ©tuel : dĂšs qu’on obtient, on dĂ©sire autre chose.
C’est une Ă©conomie fondĂ©e sur la dĂ©ception planifiĂ©e.

Les stoĂŻciens disaient que la libertĂ© consiste Ă  se suffire Ă  soi-mĂȘme.
Aujourd’hui, la servitude consiste à ne jamais se suffire de rien.


6. Réapprendre la lenteur

Et si la vraie modernitĂ©, c’était d’arrĂȘter ?
D’apprendre Ă  aimer ce qui dure, Ă  rĂ©parer, Ă  rĂ©utiliser, Ă  ralentir ?
La sobriĂ©tĂ© n’est pas un retour en arriĂšre, mais une conquĂȘte de luciditĂ©.
Elle ne vend rien, mais elle libĂšre beaucoup : du temps, du sens, du silence.


7. Conclusion : l’antidote Ă  la vacuitĂ©

Le besoin de nouveautĂ© est la plus brillante escroquerie du siĂšcle : il a transformĂ© l’insatisfaction en moteur collectif.
Mais cette machine tourne Ă  vide.
L’urgence, ce n’est pas d’inventer un futur plus excitant : c’est de redĂ©couvrir la profondeur du prĂ©sent.

 

🌀 The Need for Novelty: The Oldest Illusion of the Modern World

Subtitle:
How marketing invented an imaginary organ — the one that feeds on perpetual lack.


1. A Need Without an Organ

There is no gland for “newness.”
No sensory receptor for the latest smartphone, no neural circuit devoted to the next TV series or electric SUV.
Yet, in our product-saturated societies, the need for novelty feels as natural as hunger or thirst. In truth, it’s a cultural creation — and one of capitalism’s most profitable inventions.

Since the 1950s, advertisers have learned to speak to a part of the brain that biology doesn’t recognize: frustration.
Marketing hasn’t merely sold products; it has sold a feeling — the idea that yesterday is already obsolete.


2. The Self-Feeding Loop of Manufactured Desire

The machine feeds on itself.
Media outlets celebrate every “innovation,” influencers amplify the noise, companies redesign their own products before they’re even used — and consumers (that is, us) become the moving parts of an endless cycle of desire.

Novelty has turned into symbolic capital: what matters is no longer what an object does, but what it represents — the promise of being ahead, belonging to the present moment.
“Ever newer” has replaced “ever better.”
Technological progress is now a marketing slogan for a social progress that never comes.


3. The Planet’s New Organ: Advertising

Look around. Advertising isn’t a message anymore; it’s an environment.
In newspapers, on walls, in video feeds, in the mouths of influencers, it has become an ecosystem that must keep changing in order to exist.
The cycle of attention functions like a vital organ of capitalism: without newness, it dies.
But by endlessly renewing itself, it exhausts us.

Television and social networks no longer show us the world — they reflect the eternal present of what is being sold.


4. A Planet Worn Out to the Core

This obsession with the new has a cost — ecological, psychological, social.
Every thrown-away phone, every “spring-summer collection,” every forced software update is another wound inflicted on a finite planet.
Overconsumption isn’t an accident; it’s the logical outcome of an economy that turns indifference into profit.

While we renew our objects, the climate collapses.
While we refresh our feeds, the soil is stripped bare.
And while we reinvent ourselves, we are only recycling the same illusion.


5. The Happiness Paradox

None of this has made people happier.
Study after study shows that beyond a certain level of comfort, consumption no longer increases well-being.
Permanent novelty breeds permanent boredom: the instant we get what we want, we want something else.
It’s an economy built on planned disappointment.

The Stoics said freedom means being sufficient unto oneself.
Today, servitude means never being sufficient with anything.


6. Relearning Slowness

What if true modernity meant stopping?
Learning to love what lasts — to repair, to reuse, to slow down.
Sobriety is not regression; it’s clarity.
It sells nothing, but it gives back time, meaning, and silence.


7. Conclusion: The Antidote to Emptiness

The need for novelty is the most brilliant scam of our century — it has turned dissatisfaction into a collective engine.
But this engine is running on empty.
The urgency is not to invent a more exciting future, but to rediscover the depth of the present.