Mercredi 5 novembre 2025, la Cour suprême des États-Unis a longuement interrogé l’administration Trump sur la légalité de ses tarifs « globaux » imposés via l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA). Au fil de plus de 2 h 30 d’échanges, des juges conservateurs comme Neil Gorsuch et le président de la Cour John Roberts ont exprimé un scepticisme marqué, insistant sur le fait que des tarifs sont, dans les faits, des impôts payés par les Américains—une prérogative constitutionnelle du Congrès, pas du président. The Washington Post
Le gouvernement était représenté par le solliciteur général D. John Sauer. Plusieurs juges ont évoqué la « major questions doctrine » : lorsqu’une politique a une portée économique et politique majeure, il faut une délégation explicite du Congrès—un point déjà utilisé pour brider des mesures phares de l’administration Biden, et qui pourrait désormais se retourner contre Trump. The Washington Post
IEEPA : une loi d’exception, pas un code tarifaire bis
Adoptée en 1977, l’IEEPA sert à geler des avoirs et restreindre des transactions lors de menaces « inhabituelles et extraordinaires » visant la sécurité nationale, la politique étrangère ou l’économie—typiquement des sanctions (Iran, Corée du Nord, entités terroristes). Jamais elle n’avait servi à refaçonner l’architecture tarifaire américaine. C’est pourtant ce qu’a tenté Trump en 2025 : une « dîme » de 10 % quasi universelle, relevée pour des pays jugés « déloyaux », après deux proclamations d’« urgence » : le fentanyl et le déficit commercial. Les juridictions inférieures ont jugé ces usages illégaux, tout en laissant les tarifs en vigueur pendant l’appel, pour éviter un chaos logistique immédiat. cafc.uscourts.gov+2Congrès.gov+2
Ce qui s’est joué à l’audience
Gorsuch, nommé par Trump, a pilonné la thèse d’un pouvoir inhérent illimité : si l’IEEPA autorise un tel contournement tarifaire, qu’est-ce qui empêcherait une cession générale des compétences du Congrès à l’exécutif ? The Washington Post
Roberts a martelé que les tarifs = impôts. Si l’annulation des dettes étudiantes exige un mandat clair du Congrès, comment des tarifs à portée mondiale n’en exigeraient-ils pas ? The Washington Post
Le transcript officiel montre des formules sans ambiguïté : « il est simplement invraisemblable qu’en adoptant l’IEEPA, le Congrès ait remis au président le pouvoir de refondre l’ensemble du système tarifaire ». supremecourt.gov
Même si la Maison-Blanche affiche l’optimisme—le secrétaire au Trésor Scott Bessent a salué une audience « très positive »—la tonalité des questions penche contre l’extension IEEPA aux tarifs. Reuters+2Fox Business+2
L’enjeu chiffré : recettes, prix, remboursements
Recettes fédérales : le CBO estime que les tarifs 2025 rapporteraient ~3,3 billions $ (trillions US) sur 2025-2035, réduisant d’autant les déficits primaires, et environ 4 billions $ avec effets d’intérêt. Mais ces montants dépendent de la pérennité des tarifs. Reuters+1
Charge pour les ménages : les coûts directs/indirects (prix + répercussions supply chain) se situent autour de 1 500 $ par ménage médian en 2025 (distribués inégalement : ≈ 1 000 $ pour le 1er décile, ≈ 1 500 $ médian, ≈ 4 100 $ pour le décile supérieur). The Budget Lab at Yale
Commerce mondial : le FMI a abaissé la croissance 2025 de 0,5 pt au printemps à cause du choc tarifaire, avant un léger rebond technique l’été quand certaines hausses ont été ajustées. IMF+2IMF+2
Remboursements potentiels : si la Cour juge illicites des tarifs déjà encaissés, l’ardoise pourrait se chiffrer en dizaines de milliards, avec un contentieux massif à la clé. Les débats l’ont clairement évoqué comme risque budgétaire. The Washington Post
Ce que décidera (vraiment) la Cour
Trois issues réalistes ressortent des échanges et de l’historique :
Invalider l’usage de l’IEEPA pour des tarifs généraux (en réaffirmant que l’IEEPA ≠ code tarifaire), tout en ménageant la transition (effet non rétroactif ou limité) ;
Valider seulement une partie (par ex. certaines mesures ciblées liées à des sanctions « classiques ») et censurer le « global » ;
Renvoi technique pour calibrer la portée exacte des urgences admises.
Dans tous les cas, une défaite IEEPA n’interdirait pas « tous » les tarifs : la Maison-Blanche pourrait retenter via Section 232 (sécurité nationale) ou Section 301 (pratiques déloyales), au prix de procédures et justifications plus strictes. CBS News
Politique, droit… et cohérence
La Cour a bâti ces dernières années une jurisprudence de méfiance face aux grands gestes réglementaires sans mandat clair (la major questions doctrine). Valider ici une délégation implicite illimitée via l’IEEPA contredirait cette ligne. Les questions de Gorsuch et Roberts montrent qu’une majorité transpartisane pourrait se former pour resserrer les pouvoirs d’urgence économiques. The Washington Post+1
Ce que cela signifie pour les Américains… et pour le monde
Prix : une invalidation ferait reculer la pression tarifaire à court terme, mais l’ajustement des chaînes d’approvisionnement ne sera pas instantané. Les entreprises ré-optimiseront entre relocalisation, pays tiers et baisse de marges. IMF
Budget fédéral : une décision rétroactive ouvrirait la voie à des demandes de remboursement très lourdes ; une décision prospective préserverait les encaissements passés mais réduirait les recettes à venir. The Washington Post
Géoéconomie : après un an de guerre tarifaire élargie, une marche arrière partielle détendrait la croissance 2025-26, selon les trajectoires FMI. IMF
Verdict à venir
Le dossier V.O.S. Selections, Inc. v. Trump a été expédié en procédure accélérée. Les indices de l’audience laissent penser que la Cour limitera l’IEEPA. Reste à savoir jusqu’où et avec quel calendrier (prospectif/rétroactif). Quoi qu’il arrive, l’arrêt redessinera la frontière entre urgence présidentielle et prérrogatives budgétaires du Congrès—un jalon constitutionnel bien au-delà de la seule politique commerciale. cafc.uscourts.gov+2supremecourt.gov+2
Sources clés (sélection)
Compte-rendu audience & tonalité des juges : Washington Post (politique + opinion), SCOTUSblog, transcript officiel de la Cour. supremecourt.gov+3The Washington Post+3The Washington Post+3
Contexte judiciaire (CIT / CAFC) et saisine : opinion CAFC (29 août 2025) ; pétition de l’administration Sauer. cafc.uscourts.gov+1
Chiffrages macro : CBO (recettes tarifaires 2025-2035), IMF (WEO 10/2025 & Update 07/2025), Yale Budget Lab (coûts ménages). The Budget Lab at Yale+4Reuters+4Comité pour un Budget Fédéral Responsable+4
Déclarations politiques : AP & Reuters (présence de Bessent, optimisme affiché). AP News+1
Encadré pour tes lecteurs (pédago)
IEEPA en 3 lignes
1977 : loi d’urgence économique extérieure → sert surtout à des sanctions ciblées (gel d’avoirs, interdiction de transactions). Pas un levier pour réécrire les droits de douane. Congrès.gov
Pourquoi la « major question » ?
Parce que des tarifs universels touchent toute l’économie et génèrent des centaines de milliards : sans mandat clair du Congrès, la Cour a tendance à bloquer. The Washington Post
Ce qui peut suivre
Même si l’IEEPA est resserrée, l’exécutif garde des voies légales (Sections 232/301)—plus lentes et encadrées, mais juridiquement plus sûres. CBS News
Trump’s Tariffs at the Supreme Court: When Emergency Powers Meet the Taxing Power
November 5, 2025 may be remembered as the day the Supreme Court finally put hard limits on a president’s attempt to remake U.S. trade policy by invoking emergency powers. For more than two and a half hours, a bipartisan set of justices—most notably Neil Gorsuch and Chief Justice John Roberts—pressed the government’s lawyer, Solicitor General D. John Sauer, on a simple point with sweeping implications: tariffs are, in substance, taxes paid by Americans, and the Constitution assigns the taxing power to Congress, not to the president.
At stake is President Trump’s decision to impose a near-universal baseline tariff—layered with higher rates for countries deemed “unfair”—under the International Emergency Economic Powers Act (IEEPA). The administration declared two “emergencies” in 2025: one tied to fentanyl trafficking, the other to the persistent U.S. trade deficit. Lower courts allowed the tariffs to remain in effect pending appeal to avoid immediate disruption—but they repeatedly found the IEEPA rationale unlawful. Now the justices are signaling they may agree.
IEEPA Was Built for Sanctions, Not a Shadow Tariff Code
Enacted in 1977, IEEPA lets presidents block transactions and freeze assets when facing an “unusual and extraordinary threat” to national security, foreign policy, or the economy. For half a century, administrations have used it to sanction adversaries—Iran, North Korea, terrorism financiers—not to re-write the tariff schedule. Turning an emergency sanctions tool into a de facto tax power would, as multiple judges noted, collapse the separation of powers.
The Questions That Cut Deep
Gorsuch’s constitutional line: If IEEPA allows a president to re-engineer tariffs across the board, what stops Congress from handing over all of its trade—and by extension, war—powers to the executive? His point: the Constitution does stop that.
Roberts’s fiscal core: Tariffs function as taxes borne by U.S. consumers and firms. If debt-relief programs require clear congressional authorization, how could multi-trillion-dollar tariffs not require the same clarity?
The Court’s recent Major Questions Doctrine—used to limit sweeping regulatory moves without explicit statutory mandates—hangs over the case. If it bound Democratic initiatives, intellectual consistency suggests it must also constrain Republican ones.
Numbers, Households, and the World Economy
Trump’s tariff regime has two faces. On the budget side, projections show massive federal receipts if the regime survives a decade—revenues that help finance priorities without new legislation. On the real-economy side, the burden falls on importers and consumers through higher prices, supply-chain frictions, and retaliation abroad.
A further wildcard: refunds. If past collections are deemed unlawful, companies will seek money back. Whether the Court applies its ruling prospectively or retroactively could mean the difference between a manageable transition and a fiscal/legal shock.
What the Decision Could Look Like
Three plausible outcomes emerge:
IEEPA narrowed, global tariffs struck: The Court rules that IEEPA cannot authorize general tariff re-engineering. It may temper the remedy (prospective effect; limited retroactivity) to avoid chaos.
Split decision: Classic sanctions uses survive; universal or quasi-universal tariffs fall.
Remand for tailoring: The Court sends the case back to define precisely what counts as a valid “emergency” action under IEEPA.
Crucially, an IEEPA loss would not bar all tariffs. The White House could pivot to Section 232 (national security) or Section 301 (unfair practices). Those paths are slower, more procedurally demanding, and easier to challenge—but statutorily grounded.
Beyond Law: Coherence and Credibility
The Court’s legitimacy turns on coherence. Having invoked Major Questions to restrain large-scale actions in other contexts, it would be difficult to bless a sweeping, implicit delegation here. The pointed questions from Roberts and Gorsuch suggest there may be a cross-ideological majority to tighten emergency powers where they shade into taxation.
What It Means for You
Consumers & SMEs: A ruling against the tariff regime would ease price pressure over time, though supply chains will re-optimize gradually.
Corporate planning: Expect portfolio rebalancing among suppliers, renewed look at country-of-origin strategies, and hedging against Section 232/301 scenarios.
Policy arc: However the Court draws the line, it will reset the boundary between emergency executive action and Congress’s power of the purse—a constitutional signal far bigger than trade.
Bottom line: The justices appear inclined to say that an emergency sanctions law cannot become a shadow tax code. If they do, the ruling will curtail presidential overreach, force tariff policy back into Congress, and reshape U.S. economic governance well beyond 2025.