Il fallait voir l’Assemblée mardi soir : des mines crispées, des calculatrices dans les yeux, et des applaudissements qui sonnaient comme des soupirs de soulagement. Le gouvernement Lecornu a réussi à faire adopter le budget de la Sécurité sociale sans 49.3. Une prouesse technique… qui ne change rien au fond : la « Sécu » reste dans le rouge, les réformes structurelles attendront, et le compromis ressemble davantage à un accord de survie qu’à une vision politique.
Bref, ce n’est pas un pas en avant : c’est un pas de côté pour éviter le gouffre.
Un vote serré qui révèle une vérité simple : personne ne croit à ce budget
247 voix pour, 234 contre, 93 abstentions.
Dans un pays normal, on appellerait ça un « passage à l’arrachée ».
Chez nous, on appelle ça « preuve de maturité démocratique ».
Soyons sérieux.
Les députés ont surtout voté pour éviter un naufrage : sans vote, la Sécu filait tout droit vers un déficit de 30 milliards. Alors les socialistes ont serré les dents, LR a fermé un œil, Horizons a abstenu par réflexe de survie, et les écologistes ont obtenu une rustine avant de lâcher un « bon, ça passe ».
C’est ça, la politique française en 2025 : un concours de « qui laissera le moins de traces de doigts sur la catastrophe ».
Un compromis qui ressemble à un inventaire après tempête
La liste est connue :
- Suspension symbolique de la réforme des retraites.
- Abandon du doublement des franchises médicales.
- Hausse d’un point de l’ONDAM (pour calmer les Verts).
- Mini-hausse de la CSG sur le capital (pour calmer le PS).
- Enterrement discret du gel des pensions (pour calmer à peu près tout le monde).
On dirait un marché aux puces politique :
« Tu veux ton petit cadeau ? Très bien, mais ne t’approche pas trop de la caisse. »
Le résultat :
un budget plus cher, moins lisible, et qui reporte toutes les vraies décisions à plus tard.
Le PS se prend pour l’adulte responsable, LR pour le pompier volontaire, et Horizons pour une chorale de regrets
C’est peut-être la partie la plus fascinante de ce vote : la recomposition en direct de la politique française.
- Les socialistes se découvrent soudain un appétit pour la « co-construction républicaine ». Il y a dix ans, ils hurlaient à la trahison sociale. Aujourd’hui, ils expliquent qu’ils ont « nettoyé le musée des horreurs » présenté par le gouvernement.
Soyons charitables : nettoyer, ce n’est pas gouverner. - Les Républicains, eux, ont réalisé que provoquer une crise budgétaire n’était pas la meilleure façon de préparer 2027. Alors ils ont voté « pour » juste assez pour ne pas faire sauter la baraque. Ils diront ensuite qu’ils ont sauvé la France. En réalité, ils ont sauvé leur image.
- Horizons, enfin, réussit un exploit : être à la fois dans la majorité, dans l’opposition, et dans le doute. Abstention massive, critiques en série, indignation en option.
Une stratégie tellement floue qu’elle ferait passer la brume normande pour un ciel dégagé.
Lecornu triomphe… mais c’est une victoire en carton
Le premier ministre peut bomber le torse : il a fait voter un budget sans 49.3. Bravo.
Mais qu’a-t-il obtenu, au juste ?
- Un texte que personne n’aime.
- Une coalition qui n’existe que pour ce vote.
- Une majorité de rechange qui ne survivra pas à la prochaine crise.
Et surtout :
un budget construit sur des concessions contradictoires, qui ne dit rien de l’avenir de la Sécurité sociale.
Le PLFSS 2026 est à la politique sociale ce qu’un pansement est à une fracture ouverte : une manière élégante de retarder l’inévitable.
La “Sécu” reste exsangue, et les défis explosent à l’horizon
Il faudra bien, un jour, faire face aux vraies questions :
- Comment financer durablement la santé et la dépendance ?
- Comment répondre à l’effondrement de l’hôpital public ?
- Comment protéger les plus fragiles sans multiplier les rustines budgétaires ?
- Comment sortir de la logique des « coups de rabot » et des « mesures de freinage » administrées au printemps, chaque année comme une punition ?
Pour l’instant, le gouvernement évite les angles morts en serrant les dents.
Mais la Sécurité sociale n’a pas besoin de bricolage :
elle a besoin d’une refondation.
Et ce n’est sûrement pas cette majorité en trompe-l’œil qui la lui offrira.
La vraie bataille commence : le budget de l’État
Parce que oui, ce vote n’était que l’apéritif.
Le gros morceau arrive : le budget de l’État 2026, où il faudra vraiment choisir entre coupes massives, hausses d’impôts, ou l’invention magique de recettes qui n’existent pas.
Si Lecornu doit déjà négocier chaque virgule du PLFSS pendant cent heures de débats, imaginez le champ de mines qui l’attend pour la loi de finances.
Spoiler :
cette fois, la « coalition du compromis » risque de se transformer en « coalition du chacun pour soi ».
Conclusion : un budget nécessaire, mais un pays en état d’urgence politique
Le PLFSS 2026 n’est pas un élan, c’est un sursis.
Il évite le pire, mais ne construit rien.
Il rassure les marchés, pas les citoyens.
Il montre que le Parlement peut encore voter des budgets…
… mais uniquement quand tout le monde veut éviter d’être accusé de mettre le feu à la maison.
La France n’a pas besoin de funambulisme institutionnel.
Elle a besoin d’un cap.
Pour l’instant, on a juste un numéro d’équilibriste, et un filet troué en dessous.
PLFSS 2026: A Patchwork Budget for a Republic on Life Support
On Tuesday night, the French National Assembly finally adopted the 2026 Social Security budget (PLFSS). A victory, we’re told. A sign that political dialogue is possible again. A triumph of parliamentary maturity.
Let’s be honest: what happened was not a victory, but an emergency landing. The government avoided a crash, nothing more.
With 247 votes in favor, 234 against, and 93 abstentions, the text scraped through. No 49.3 constitutional shortcut this time — a rare exception in today’s under-oxygenated parliamentary ecosystem. But beneath the applause and the relieved smiles, one fact remains: nobody really believes in this budget.
It is the legislative equivalent of taping together broken furniture because guests are arriving in ten minutes.
A vote driven by fear, not conviction
The Assembly voted “yes” for one reason: the alternative was a €30-billion hole in Social Security’s finances.
That’s not political courage — that’s avoiding a scandal.
- The Socialists held their breath and voted for it.
- Les Républicains closed one eye and abstained “responsibly.”
- Horizons abstained with elegant regret.
- The Greens reluctantly accepted a band-aid.
- The radical left (LFI) and the far right (RN) voted against because that’s their business model.
Israel Kamakawiwo'ole once sang “Somewhere over the rainbow”. In France, the rainbow is a budget spreadsheet, and the clouds are red ink.
A compromise built like a flea market bargain
To get a majority, Prime Minister Sébastien Lecornu dismantled half his initial proposals and added whatever was necessary to secure a few dozen extra hands in the air. The result?
- Retirement reform suspended.
- Doubling of medical deductibles abandoned.
- Health spending (ONDAM) increased from 2% to 3% — a last-minute gift to the Greens.
- CSG tax on capital slightly raised, then softened so LR wouldn’t storm out.
- Pensions quietly reindexed to inflation, after a discreet burial of the “freeze” once championed by François Bayrou.
It’s not a strategy; it’s a survival kit.
This “compromise” costs more, explains less, and solves nothing.
The PS plays the responsible adult, LR the volunteer fireman, Horizons the Hamlet of the centre-right
The vote revealed the deep tectonic shifts of post-2024 French politics.
- The Socialists now see themselves as the guardians of “Republican compromise.” Ten years ago they denounced such budgets as neoliberal betrayals; now they present themselves as the adults in the room.
They may have “cleaned up the horror museum,” but that doesn’t make them architects. - Les Républicains, terrified of being blamed for a fiscal disaster, opted for a cautious quasi-support. They will now tour television studios explaining that they “saved the country.” In truth, they saved face.
- Horizons, Édouard Philippe’s formation, perfected the art of being in government and in the opposition simultaneously.
A political Schrödinger’s cat: both alive and dead, both supportive and outraged.
Lecornu’s victory: impressive… on paper
Yes, Lecornu got his budget. Yes, he avoided the 49.3.
But what did he win, exactly?
- A budget nobody claims as their own.
- A temporary majority that will not survive the next controversy.
- A set of concessions so contradictory they cancel one another.
Politically, he patched a hole.
Strategically, nothing has been resolved.
The PLFSS 2026 is not a stepping stone.
It’s a bandage on a hemorrhage.
The “Sécu” is still collapsing — and the real storm is ahead
While Parliament pats itself on the back, France’s health system continues to gasp:
- Hospitals remain understaffed.
- Prevention policies are chronically underfunded.
- Dependence care is a ticking time bomb.
- The gap between needs and resources widens every year.
The budget doesn’t reform the system. It merely delays the collapse by twelve months.
And everyone in Paris knows it.
The real battle starts now: the 2026 State budget
The PLFSS was a warm-up.
The true political minefield is the State Budget, which must deal with exploding deficits, EU pressure for fiscal discipline, and a political landscape where every group has its own red lines.
The fragile coalition that saved the Social Security budget may not survive the next fiscal debate.
If the PLFSS was Lecornu’s “victory,” the Finance Bill will be his trial by fire.
Spoiler: he will need more than a calculator and a smile.
A necessary budget, yes — but also a sign of political exhaustion
France is no longer debating direction.
It is debating survival.
The PLFSS 2026 doesn’t offer a vision; it postpones a reckoning.
It reassures markets, not citizens.
It saves the government, not the country.
The Republic isn’t dying.
But it is running on backup batteries, while everyone fights over who gets to hold the cable.