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Atos : La chute vertigineuse du géant invisible de la tech française

Voici l'image représentant la chute vertigineuse du géant technologique Atos. Elle illustre de manière dramatique la désintégration d'une entreprise autrefois puissante, avec un paysage numérique en ruine et un logo Atos s'effaçant progressivement.

Il y a encore quatre ans, Atos, fleuron mondial de l'informatique, était valorisé à 7 milliards d'euros. En 2024, il n'en reste qu'une coquille vide, avec une valorisation oscillant autour de 87 millions d'euros. Comment ce géant de 100 000 employés, dont 10 000 en France, s'est-il effondré aussi brutalement ? Et pourquoi, malgré son rôle ultra-stratégique dans des secteurs aussi sensibles que le nucléaire et la défense, l'État français est-il resté spectateur ? Autopsie d'une descente aux enfers.

Une entreprise dans les coulisses de nos vies quotidiennes

Peu connu du grand public, Atos opérait en toute discrétion. Pourtant, ses services étaient omniprésents, gérant l'informatique de nombreux ministères, mais aussi des entreprises privées comme AccorHotel, BMW, ou encore Nestlé. Il était également l'un des leaders mondiaux en cybersécurité, cloud et intelligence artificielle. Ses missions s'étendaient à des projets aussi stratégiques que la gestion des centrales nucléaires d'EDF ou les systèmes de défense des armées françaises.

Atos assurait aussi la gestion des infrastructures informatiques de services publics essentiels : Assurance maladie, CAF, Urssaf, SNCF, et même la création des passeports. Des missions critiques rassemblées au sein de sa filiale Big Data & Security (BDS), pilier des opérations les plus sensibles de la société.

2010-2017 : l'âge d'or de la croissance externe

Sous la direction de Thierry Breton, l'ancien ministre des Finances devenu PDG d'Atos, l'entreprise connaît une expansion fulgurante. Breton mise sur une stratégie de rachats pour asseoir la position du groupe. En 2011, Atos acquiert la division IT Solutions de Siemens pour 850 millions d'euros, puis Bull en 2014 et Xerox ITO en 2015. L’entreprise est alors perçue comme un modèle de succès, atteignant son apogée en 2017 avec une valorisation boursière de près de 100 euros par action.

Mais cette croissance, alimentée par l'endettement, va s’avérer toxique à long terme.

Le tournant fatal de 2018 : le rachat de Syntel

En 2018, Atos frappe un grand coup en rachetant Syntel, spécialiste du cloud, pour 3,4 milliards de dollars. Cette opération est financée en partie par la vente de sa pépite Worldline. Un choix discutable puisque cette vente prive Atos d'une importante source de revenus. L’action s’effondre de moitié, et la dette atteint près de 3 milliards d'euros.

Le départ de Thierry Breton en 2019 pour la Commission européenne marque le début des troubles. Son successeur, Elie Girard, tente de maintenir le cap avec de nouvelles acquisitions. Mais la stratégie est confuse. En 2020, il annonce vouloir scinder Atos en deux entités : une dédiée aux services en croissance, et une autre regroupant les activités traditionnelles plus déclinantes. Ce projet divise en interne et alimente les doutes des investisseurs.

2021-2023 : le chaos

À partir de 2021, Atos sombre dans une spirale négative. Pour la première fois, elle affiche un déficit net de 215 millions d'euros. Les clients migrent vers des offres cloud de Google ou d'Amazon, et la dette continue de grimper. L’action sort du CAC 40, et des tentatives d’acquisitions hasardeuses, comme l’OPA sur DXC Technology pour 10 milliards d’euros, achèvent de détruire la crédibilité de l’entreprise.

La gestion interne n’arrange rien. En trois ans, quatre dirigeants se succèdent à la tête d'Atos, chacun apportant sa nouvelle vision stratégique, souvent accompagnée de plans de restructuration coûteux et inefficaces. Rien que sur l'année 2023, ces réorganisations ont coûté 700 millions d'euros, alimentant une défiance généralisée au sein de l'entreprise.

2024 : le démantèlement en vue

En 2024, Atos est acculée par une dette de 5 milliards d'euros. Les négociations avec des repreneurs potentiels échouent successivement. Airbus, puis le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky se retirent, laissant Atos en pleine tourmente. Les créanciers imposent alors des taux d’intérêt vertigineux, jusqu’à 13 %, précipitant la société vers une procédure de sauvegarde accélérée.

Pendant ce temps, l’État français se contente de regarder. Malgré des alertes sur l'importance stratégique d'Atos, notamment pour la sécurité nationale, aucune intervention publique significative n'a lieu avant avril 2024. Mais même là, l’État ne propose qu'une nationalisation partielle des activités de défense, laissant le reste du groupe à la dérive.

Une entreprise sacrifiée par la finance

En fin de compte, Atos est un exemple tragique des dérives de la gestion par la dette et de la finance à court terme. L’entreprise s’est lancée dans une course folle à l'acquisition sans consolider ses acquis. Pire, la gouvernance erratique des dernières années, marquée par des changements incessants à la direction, a accéléré sa chute.

Alors que le secteur numérique explose mondialement, le naufrage d’Atos semble être l'incarnation parfaite de ce qui arrive lorsqu’une entreprise stratégique devient la proie des erreurs de gestion et de la spéculation financière. Et si rien n’est fait, Atos, un géant devenu lilliputien, risque de disparaître à jamais.