En France, les 10 % les plus riches détiennent la moitié du patrimoine des ménages
Depuis le XIXe siècle, la concentration du patrimoine avait progressivement diminué en France, avant de repartir à la hausse à partir des années 1980. Si les inégalités de revenus sont déjà significatives – avec un écart de trois fois entre les plus riches et les plus pauvres – les inégalités de patrimoine sont, quant à elles, encore plus criantes. Analyser.
Les 10 % les plus riches captent plus de la moitié du patrimoine
Aujourd'hui, en France, les 10 % des ménages les plus fortunés possèdent plus de la moitié du patrimoine total, un chiffre qui illustre à lui seul l'ampleur des disparités. Leur patrimoine est huit fois supérieur au patrimoine médian. En revanche, à l'autre extrémité de l'échelle sociale, les 10 % les moins fortunés ne détiennent que 0,1 % du total.
Ces écarts se perpétuent notamment à travers l'héritage. En 50 ans, la part des fortunes héritées a presque doublé, atteignant aujourd'hui 60 % du patrimoine total. Pourtant, l'impôt sur les patrimoines reste mal perçu par une grande partie de la population, souvent par méconnaissance : en effet, 80 % des transmissions aux enfants en France sont exonérées d'impôt.
Un fossé qui se creuse avec le temps
Pendant que les inégalités se creusent, près de neuf millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, alors que le nombre de millionnaires a été multiplié par huit depuis les années 2000. En 2024, le magazine Forbes dénombrait onze milliardaires de plus qu'au classement précédent, dont les trois quarts sont des héritiers.
Une répartition du patrimoine qui s'est inversée depuis 1980
Le patrimoine, défini comme l'ensemble des biens que possède un individu ou un ménage, s'est massivement concentré au début du XXe siècle. Cependant, depuis la Première Guerre mondiale, une baisse progressive des inégalités a vu l'émergence de la classe moyenne, soutenue par la croissance des salaires et la montée des impôts sur les successions. Entre 1910 et 1985, la part du patrimoine détenue par les 10 % des plus riches est passée de 85 % à 50 %, tandis que la classe moyenne est parvenue à accumuler jusqu'à 41 % du patrimoine total.
Depuis les années 1980, cette tendance s'est inversée. En 2022, les 10 % les plus riches détiennent à nouveau 58 % du patrimoine, un chiffre en augmentation constante (hors crise Covid), et cela au détriment de la moitié de la population la plus défavorisée, dont la part a chuté de moitié sur la même période.
La Banque de France tire la sonnette d'alarme
Une étude récente de la Banque de France confirme cette tendance : en 2023, le patrimoine total des Français atteint 14 000 milliards d'euros, en augmentation de 60 % depuis 2009. Ce sont cependant les 10 % les plus richesses qui profitent principalement de cette croissance, détenant à eux seuls 7 500 milliards d'euros en 2023, soit une hausse de deux niveaux en 14 ans.
Les inégalités sont criantes : le dixième le plus fortuné possède, en moyenne, cinquante fois plus de patrimoine que la moitié la moins favorisée des ménages. Cette polarisation se manifeste notamment dans la répartition des actifs : l'immobilier, par exemple, qui représente une part cruciale du patrimoine des ménages, est principalement détenu par les plus riches.
Patrimoines et inégalités : un cercle vicieux
Les inégalités de patrimoine sont d'autant plus marquées qu'elles sont renforcées par les héritages et les donations. Près des deux niveaux du patrimoine des ménages français proviennent aujourd'hui d'un patrimoine, un chiffre qui a presque doublé depuis les années 1970.
Ce phénomène est illustré par le club très fermé des milliardaires français : en 2024, ils sont 53, dont les trois quarts ont hérité de leur fortune. Il est de plus en plus fréquent de voir des fortunes se perpétuer d'une génération à l'autre, perpétuant ainsi les inégalités. Comme le souligne le Global Wealth Report de 2023, cette tendance est appelée à se renforcer dans les décennies à venir.
La fiscalité des successions : un enjeu pour réduire les inégalités
La question de la fiscalité des patrimoines reste un sujet délicat en France, où les impôts sur les successions sont impopulaires, souvent par méconnaissance. Pourtant, une réforme fiscale équitable pourrait permettre de réduire les inégalités sans pour autant pénaliser la majorité des Français, qui, rappelons-le, sont déjà exemptés de droits de succession pour des montants inférieurs à 100 000 euros.
Conclusion
Les inégalités de patrimoine en France continuent de croître, alimentées par la concentration des richesses et les mécanismes d'héritage. Si des réformes fiscales sont régulièrement évoquées pour tenter d'équilibrer la balance, elles peinent à se concrétiser face à l'impopularité des impôts sur les successions et à une méconnaissance générale du sujet.