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La culture sous verrou capitaliste : stratégie ou simple coïncidence ?

Une bibliothèque enchaînée, symbole de la culture verrouillée par le pouvoir économique, avec à l'arrière-plan des silhouettes de milliardaires...

Vous avez sûrement remarqué, de part et d'autre de l'Atlantique, ces polémiques incessantes autour de ce qui devrait ou ne devrait pas être enseigné, lu ou diffusé dans nos écoles, bibliothèques et institutions culturelles. Mais au-delà des débats animés sur le contenu éducatif, une question sous-jacente demeure : à qui profite réellement cette forme insidieuse de restriction culturelle ? Serait-ce le capitalisme qui joue subtilement la carte de l’ignorance généralisée pour mieux asseoir son influence ?

Prenons l'exemple frappant des États-Unis. En Floride, sous l'administration du gouverneur Ron DeSantis, certains livres comme « Maus », chef-d’œuvre de la bande dessinée d'Art Spiegelman sur la Shoah, ou encore des ouvrages sur le racisme systémique, sont retirés des écoles au motif de leur caractère prétendument dérangeant. Évidemment, sous couvert de protéger l'innocence des élèves, c’est surtout une forme de pensée critique qui est menacée. Moins les gens sont capables de réfléchir par eux-mêmes, mieux ils consomment sans poser trop de questions.

En France aussi, le débat fait rage. Souvenez-vous de la polémique sur l’enseignement de l’écriture inclusive, ou encore des débats sans fin sur le rôle supposé néfaste de certaines littératures contemporaines jugées trop « militantes ». Sous ces disputes apparentes se cache une tension plus profonde : maintenir l’éducation à un niveau juste suffisant pour éviter une remise en question trop massive du système économique dominant.

Capitalisme médiatique : quand l'information devient une marchandise

Mais le phénomène ne s’arrête pas là. Observons le secteur des médias, un pilier crucial pour toute démocratie. De nos jours, la concentration des journaux et chaînes télévisées entre les mains de quelques milliardaires pose un vrai problème démocratique. Aux États-Unis, des géants comme Rupert Murdoch, propriétaire de Fox News, ou Jeff Bezos, propriétaire du Washington Post, détiennent un pouvoir d'influence considérable. En France, la situation n’est guère différente avec des groupes comme Bolloré contrôlant une part importante des médias.

Cette concentration médiatique aboutit à une dérive inquiétante : l’information devient une simple marchandise, soumise aux lois du profit et des intérêts politiques ou économiques de leurs propriétaires. Résultat ? Une homogénéisation des discours, une marginalisation des voix discordantes et un appauvrissement du débat public. Dans ce contexte, l’indépendance journalistique est constamment sous pression, menaçant directement la capacité du public à s’informer de manière objective et variée.

Cependant, tout n'est pas noir. Des initiatives indépendantes, souvent financées par le public ou via des modèles économiques alternatifs, émergent un peu partout. Celles-ci représentent une tentative essentielle pour préserver une information libre et diverse face aux géants capitalistes. L'exemple de Mediapart en France ou de Democracy Now! aux États-Unis montre qu’il existe encore des voies possibles pour une presse véritablement indépendante et critique.

Alors, stratégie cynique ou simple dérive systémique ? Peut-être un peu des deux. Une chose est sûre, la restriction de la culture et de l’éducation, alliée à la mainmise sur l’information, profite toujours à ceux qui préfèrent le statu quo à l’innovation, le silence à la contestation, et le profit immédiat à la durabilité économique et sociale.

Reste à savoir si nous, citoyens, sommes prêts à accepter ce marché de dupes ou si, au contraire, nous exigerons une véritable ouverture culturelle et médiatique comme condition incontournable d’une démocratie saine et vivante.

Personnellement, je pense que nous sommes à un carrefour important. Soit nous restons passifs, confortablement installés devant nos écrans à consommer une information prémâchée et une culture aseptisée, soit nous décidons d’être acteurs de notre propre démocratie.

Exiger une culture libre et un journalisme indépendant est certes plus fatigant que de cliquer sur la dernière polémique à la mode, mais c'est un investissement essentiel pour garantir notre liberté à long terme. En bref : râler dans son canapé, c’est sympathique, mais se lever pour défendre une véritable diversité culturelle et médiatique, c’est mieux et infiniment plus efficace !
 

C'est une question cruciale : jusqu'où peut-on tolérer que la culture soit sacrifiée sur l'autel des profits et des intérêts économiques ?

En réalité, le seuil d'acceptation est atteint quand la culture ne sert plus qu'à distraire et non plus à éclairer, quand elle ne stimule plus l’esprit critique mais le maintient volontairement endormi. Autrement dit, quand la culture devient un simple produit de consommation, calibré pour ne déranger personne, c’est que la ligne rouge est déjà franchie depuis longtemps.

Finalement, la véritable limite, c’est nous qui devons la fixer : sommes-nous prêts à nous battre pour préserver cette précieuse liberté intellectuelle, ou préférons-nous rester spectateurs d’une lente dérive vers une société culturellement anémiée ? À chacun d'en décider !