Pourquoi la Vendée est-elle de droite ?
La question peut sembler saugrenue, mais les valeurs de conservatisme, d’héritage et d’ordre – les piliers de la droite – sont profondément ancrées dans la société vendéenne.
Dans ce territoire quelque peu en marge, où « le château et le presbytère » ont longtemps été des repères, « les droits du peuple ne sont mentionnés qu’après ses devoirs et la discipline passe avant la liberté », comme l’écrivait André Siegfried dans son Tableau politique de la France de l’Ouest.
Bien que la République ait fait son chemin depuis la Révolution, certains réflexes de l’Ancien Régime subsistent. Notamment lors du vote. Depuis la création du conseil général, puis départemental, aucun candidat ouvertement de gauche n’a réussi à prendre la présidence.
Les féodalités républicaines ont toujours maintenu le cap à droite. En 2021, les derniers élus socialistes ont même été éjectés de l’hémicycle. Seule une conseillère de l’Ile d’Yeu, se revendiquant « centre gauche », surnage dans un océan de bleu.
Des parenthèses à gauche
Dans les villes des Herbiers, Montaigu, Pouzauges, Luçon, aucun maire de gauche en vue. Les exceptions sont rares. La Roche-sur-Yon, après 27 ans de socialisme, est repassée à droite avec Luc Bouard en 2014. Même scénario à Fontenay-le-Comte, où Hugues Fourage a perdu en 2008 après treize ans de mandat.
Quant aux Sables-d’Olonne, il faut remonter à l’après-guerre pour voir une élue communiste, Odette Roux, diriger la mairie de 1945 à 1947. À Challans, le radical-socialiste Victor Charbonnel a porté l’écharpe tricolore de 1945 à 1959.
D’où vient cette inclinaison ?
Est-ce une question d’histoire, d’économie, ou une spécificité géologique comme le pensait André Siegfried, pour qui « le granit produisait le curé et le calcaire l’instituteur » ?
Façonnée par les Guerres de Vendée
Pour Alain Lebœuf, président du Département, c’est une question de valeurs. « En Vendée, on aime entreprendre de nouveaux projets et les réaliser ensemble. Nous avons une forte responsabilité individuelle et un esprit de don de soi, fruit de notre histoire singulière façonnée par les Guerres de Vendée. »
« Les Vendéens ont toujours pris leur destin en main, refusant une posture victimaire et préférant regarder vers l’avenir, ce qui dynamise notre département. »
Christophe Cougnaud, directeur du groupe Cougnaud, leader de la construction modulaire industrialisée, partage ce point de vue : « La Vendée n’est peut-être pas de droite, mais elle est du côté de ceux qui se bougent, qui innovent, qui entreprennent et qui trouvent des solutions par eux-mêmes. »
« La Vendée reprend confiance en elle »
Pour Guillaume Bernard, historien du droit et politologue, la Vendée n’a pas fini avec son héritage contre-révolutionnaire. « La Vendée a adhéré à la démocratie chrétienne, croyant pouvoir concilier son histoire avec la République. Depuis les années 1980, elle prend conscience des événements révolutionnaires, ce qui conduit à une restauration psychologique, un développement économique et une reconquête culturelle. »
« Plus la Vendée comprendra son histoire, plus elle redeviendra de droite, autrement dit réactionnaire », ajoute-t-il.
« La Vendée de P. de Villiers n’est plus »
Pour Jean Burneleau, ex-premier secrétaire du Parti socialiste vendéen, cette vision historico-identitaire relève du fantasme. « La droite et les extrêmes droites vendéennes ont utilisé l’histoire dramatique de notre département pour leur bénéfice. Ils nient l’existence des Vendéens attachés à la République, d’autres religions, des athées, des promoteurs de la laïcité. »
Lucie Etonno, conseillère régionale des Verts, est convaincue que l’identité d’un territoire n’est pas figée : « Rien n’est immuable, surtout en politique. » Pour elle, « le temps n’est plus à se glorifier du passé, mais à construire de nouvelles solidarités pour faire face collectivement au défi climatique. »
Et demain ?
Freddy Roy, chargé de cours à l’université de Paris-Nord Sorbonne, remarque que « la ruralité de la Vendée favorise des politiques conservatrices ». Les Guerres de Vendée ont laissé une empreinte de conservatisme et de fidélité aux valeurs catholiques. Ce passé a façonné une culture politique où les valeurs traditionnelles dominent.
Détricoter ce maillage est difficile. La domination de la droite résulte d’un ensemble complexe de facteurs historiques, sociologiques, économiques et démographiques.
Pourtant, rien n’est joué. Les derniers scrutins montrent une évolution. Emmanuel Macron a attiré des électeurs de gauche et de droite, tandis que le Rassemblement national a capté des votes de la droite. Au premier tour de la dernière présidentielle, 71 communes de Vendée ont placé Marine Le Pen en tête des votes. Et demain ?