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“Un sablier posé sur un bureau ministériel, rempli non de sable mais de pièces de monnaie, éclairé par une lumière dorée, symbolisant le temps et l’argent des retraites françaises.”

Sous-titre : L’Assemblée nationale a voté la suspension partielle de la réforme des retraites de 2023. Une pause présentée comme sociale, mais qui ressemble surtout à un crédit à taux politique.

🏛️ I. Une suspension en trompe-l’œil

Mercredi 12 novembre, après deux jours de débats houleux, l’Assemblée nationale a voté la suspension partielle de la réforme des retraites de 2023, cette fameuse loi qui avait relevé l’âge légal à 64 ans.
Le texte prévoit un “gel transitoire” des effets de la réforme pour les générations nées avant 1965, et un ralentissement du calendrier d’application pour les suivantes.
En clair : les Français partiront un peu plus tôt… mais pas tous, et pas pour longtemps.

Le gouvernement Bayrou présente la mesure comme un “geste d’apaisement social”.
En coulisses, c’est un répit avant les européennes de 2026 : un signal à la fois à la CFDT, aux retraités, et aux classes moyennes fatiguées d’être la variable d’ajustement du budget.
Mais ce geste a un coût : près de 8,4 milliards d’euros sur trois ans, selon la direction du Budget — “non financés à ce stade”.
Un report de charges, donc, qui gonflera encore le déficit public déjà estimé à 5,4 % du PIB pour 2025.

💶 II. Qui paie la pause ?

C’est la question que tout le monde évite, sauf les comptables.
Pour compenser cette suspension, Bercy évoque trois leviers :

Une hausse temporaire de la CSG sur le capital (+0,5 point),

Un gel partiel de la revalorisation des pensions pour les plus aisées,

Un “effort de solidarité” demandé aux régimes spéciaux — comprendre : une baisse de compensation de l’État.

Chacun y trouve matière à se glorifier :

Les socialistes crient victoire pour le “retour du politique dans le social”.

Le RN célèbre une “victoire du bon sens populaire”.

Les centristes d’Horizons parlent d’un “ajustement technique nécessaire”.

Et Bayrou se pose en arbitre serein d’un pays qu’il décrit comme “épuisé de ses colères”.

Mais derrière cette apparente concorde, les fractures sont béantes.
Les libéraux redoutent une perte de crédibilité financière vis-à-vis de Bruxelles.
Les syndicats dénoncent une manœuvre électorale déguisée.
Et les économistes notent que le gel profitera davantage aux générations proches de la retraite qu’à celles qui cotisent depuis quinze ans sans espoir d’équilibre.

🏦 III. Le grand retour de la capitalisation ?

En parallèle de cette pause, le Premier ministre Gabriel Attal et le député Renaissance Paul Midy ont dévoilé un projet de “capitalisation universelle”.
L’idée : offrir 1 000 euros à chaque enfant à la naissance, placés dans un fonds souverain national, alimenté par une partie de l’épargne réglementée et des excédents de la Banque publique d’investissement.
Objectif : “créer une épargne retraite universelle, indépendante des cycles politiques”.

Sur le papier, c’est séduisant : une France qui investirait dans sa jeunesse plutôt que de payer la vieillesse.
Mais dans les faits, c’est une bascule idéologique.
On glisse doucement vers un modèle à deux vitesses :

une retraite publique de base, sous pression démographique,

et une retraite par capitalisation gérée par des organismes privés,
avec, à la clé, la promesse d’un rendement et le risque d’un krach.

Les syndicats parlent d’un “fonds de pension masqué”.
Le Medef, lui, applaudit.
Et à Bruxelles, on salue une “innovation compatible avec les règles de stabilité”, autrement dit : un moyen de réduire la part de la dépense publique sans l’avouer.

⚖️ IV. La bataille politique : l’orage qui s’annonce

Le vote de l’Assemblée n’a pas clos le débat, il l’a déplacé.
Au Sénat, les centristes veulent conditionner la suspension à un retour à l’équilibre dès 2027.
Les socialistes réclament une revalorisation automatique des petites pensions sur l’inflation réelle.
Et la gauche radicale exige purement et simplement l’abrogation de la réforme de 2023.

Dans la rue, les syndicats préparent une nouvelle mobilisation pour le 5 décembre.
Pas une insurrection, mais un avertissement : “Pas de retraite à crédit, pas d’austérité déguisée.”
La CFDT, la CFE-CGC et FO signent une rare déclaration commune.
La CGT, plus virulente, parle de “paix sociale payée à découvert”.

François Bayrou, lui, joue les équilibristes :

“Il faut redonner confiance sans compromettre l’avenir.”
Une phrase qu’on pourrait graver au fronton du ministère des Finances — juste au-dessus du déficit.

🧩 V. Une réforme sans fin

La France a désormais suspendu, amendé, repoussé ou renégocié neuf réformes des retraites depuis 1993.
Aucune n’a jamais stabilisé durablement le système.
La démographie, l’emploi des seniors, et les carrières hachées rendent toute projection illusoire.

Mais au fond, cette “pause” n’est pas une mesure économique — c’est un signal politique.
Un gouvernement en quête d’oxygène dans un pays qui n’en peut plus des ajustements permanents.
Le problème, c’est que la respiration, cette fois, coûte cher.
Et que la facture, comme toujours, sera payée par ceux qui n’ont pas eu le temps de respirer.

💬 Citation clé

“Le gouvernement a arrêté la pendule, mais le sablier continue de couler.”
— Économiste anonyme, Commission des finances.

 

🇬🇧 Pensions: France Takes a Break… on Credit

Subhead: The French National Assembly has voted to partially suspend the controversial 2023 pension reform. A “pause” that pleases everyone — government, unions, and opposition — for completely different reasons. But every truce has its price.

🏛️ I. A pause that isn’t one

On 12 November 2025, after two days of heated debate, the French National Assembly approved a partial suspension of the 2023 pension reform, the same reform that had raised the retirement age to 64.
The measure “freezes” its effects for workers born before 1965 and slows down the implementation for those after.

In plain English: some French will retire a little earlier — but not all, and not for long.

Prime Minister François Bayrou hails it as a “gesture of social appeasement.”
In truth, it’s a pre-electoral ceasefire before the 2026 European elections — a way to soothe public anger while buying time.

But time isn’t free. The Ministry of Finance estimates the cost at €8.4 billion over three years, with no clear funding.
That’s money France doesn’t have, in a budget already running a 5.4% deficit of GDP.

💶 II. The bill, please

How will this “pause” be financed? Officially, through “targeted solidarity efforts”:

A 0.5-point increase in the CSG tax on capital income,

A partial freeze on pension revaluation for the wealthiest retirees,

A reduction in state subsidies to special regimes.

Everyone, somehow, claims victory:

The Socialists celebrate “the return of politics over technocracy.”

The far right calls it “a win for common sense.”

Bayrou’s centrists talk about “an essential technical adjustment.”

And unions, naturally, smell an electoral trick.

Meanwhile, economists note the obvious: the freeze mainly benefits those who are already near retirement, not those still working to fund the system.
As one analyst put it dryly:

“France is refinancing yesterday’s promises with tomorrow’s taxes.”

🏦 III. The quiet comeback of capitalization

In parallel, Prime Minister Gabriel Attal and MP Paul Midy have launched a pilot project for “universal capitalization.”
Every newborn would receive €1,000 at birth, invested in a national sovereign fund fueled by public savings and surplus profits from the state investment bank.

The goal: to create an “independent, intergenerational pension reserve.”
In reality, it’s the embryo of a two-tier system:
a modest public pension for all, and a privately managed capitalized pension for those who can afford to top it up.

The unions call it “a hidden pension fund.”
The employers’ federation (Medef) calls it “visionary.”
And the European Commission politely praises “innovation consistent with fiscal stability.”
Translation: you’ve just privatized part of the welfare state, congratulations.

⚖️ IV. The political storm ahead

Far from calming tempers, the vote has reignited them.
The Senate threatens to block the measure unless the government commits to budget balance by 2027.
The Socialists demand automatic inflation-indexed pensions for small retirees.
The left-wing bloc wants the full repeal of the 2023 reform.

In the streets, a new union march is planned for 5 December under the slogan “No pensions on credit.”
It won’t topple the government, but it will test its nerves.
The CFDT, CGT and FO — usually divided — have signed a rare joint statement.

François Bayrou, ever the centrist, sums it up in one of those phrases made for political obituaries:

“We must restore trust without compromising the future.”

Easier said than budgeted.

⏳ V. The endless reform

Since 1993, France has launched nine separate pension reforms.
None has ever “saved” the system — only postponed the next crisis.
Demography, employment, and social inequality keep rewriting the equation faster than governments can adjust it.

This “pause” will be no exception.
It buys time, not sustainability.
And time, as always, comes on credit — to be paid by the same people who never stop working.

💬 Key quote

“The government stopped the clock, but the hourglass keeps running.”
— Member of the Finance Commission, anonymous.

🪶 Caption

In France, every pension reform is a promise — and every pause, a new mortgage on the future.