Satanique: le mot est jeté. Comme un pavé parisien dans le lac du bonheur olympique.
Je sais, je ne devrais peut-être pas relayer ces accusations. Tous ceux qui ont adoré la cérémonie d’ouverture des JO sur la Seine, mise en scène par Thomas Jolly, vont m’accuser de rétropédaler et de donner trop d’importance aux «grincheux réactionnaires» qui, depuis samedi soir, sont vent debout contre le réalisateur amateur de dieux grecs et de drag-queens. Et bien tant pis: j’ai reçu trop de messages après avoir noté la cérémonie dans Blick pour ne pas m’emparer du sujet.
Satanique: vous imaginez ce que cela veut dire. L’œuvre de Satan, du diable, du malin. Nous voilà replongés presque au Moyen Âge, dans l’antre des forces du mal. Le raisonnement est simple: la France, pays révolutionnaire et laïque, est tombée dans les bras de Satan qui en a fait son instrument pour détruire les religions et les Dieux. «J’ai détesté la très satanique cérémonie d’ouverture! Les JO et le comité d’organisation de Paris devraient avoir honte… Mais c’est trop demander», m’a écrit, dès dimanche, une amie Indonésienne, protestante des Célèbes, dont le père fut recteur de l’université «De la Salle» à Manado.
Satan et la République
«C’est Satan qui habite votre République», m’a asséné, comme une gifle, un jeune écrivain américain croyant de Missoula, dans le Montana. J’avoue que je suis tombé de ma chaise. J’ai reçu des messages similaires de Thaïlande, monarchie asiatique et touristique où la tête décapitée de Marie-Antoinette a du mal à passer. Il reste une trentaine de monarchies dans le monde. Cette cérémonie avait-elle valeur d'avertissement?
Satanique: ce mot me fait plus peur que d’autres. On peut ne pas avoir aimé l’apparition du chanteur Philippe Katerine en Dionysos, le dieu grec des libations et du vin. On peut, à la limite, s’être senti «profondément blessé» comme l’évêque des JO, par une désagréable et déplacée caricature de la Cène, le dernier repas de Jésus-Christ (ce que le réalisateur et le CIO ont démenti). Mais satanique, cela va beaucoup plus loin.
C’est pour avoir qualifié ainsi le drapeau tricolore qu’un Imam du Gard, Mahjoub Mahjoubi, a été déporté en février en Tunisie. Et c’est ainsi que tant de créateurs et de scientifiques, jadis, furent accusés, discrédités, torturés et souvent tués. Être accusé de satanisme, dans l'histoire, a souvent été la dernière marche avant l'excommunication et la peine de mort.
La preuve d’une grande liberté
Alors non, cette cérémonie n’était pas «satanique»! Elle faisait juste preuve d’une liberté qui peut déconcerter, voire choquer, voire exaspérer. Peut-être – et c’est un juste sujet de réflexion – a-t-elle trop oublié de célébrer les valeurs olympiques et les athlètes, dont les bateaux sous la pluie sont presque passés inaperçus? Mais revenons d'urgence aux mots justes et à la raison, celle que le philosophe René Descartes (1596-1650) décrivait ainsi: «La raison est la seule chose qui nous rend hommes. Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien.»
Un reflet de la société contemporaine
La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, avec ses choix audacieux et ses représentations artistiques provocantes, reflète une société contemporaine qui ne craint pas de bousculer les normes et d’explorer les limites de la liberté d’expression. C’est précisément cette liberté – souvent source de controverse – qui distingue les sociétés démocratiques des régimes autoritaires où la créativité est bridée.
Cependant, il est important de reconnaître que cette liberté vient avec la responsabilité de respecter les sensibilités culturelles et religieuses des spectateurs du monde entier. Le spectacle était peut-être trop avant-gardiste pour certains, mais il symbolise aussi l'évolution culturelle de notre époque, où l'art et la politique se mêlent pour créer des dialogues – parfois houleux – sur l'identité, la foi et la liberté.
Conclusion: un équilibre délicat
En fin de compte, il est crucial de trouver un équilibre entre l’innovation artistique et le respect des valeurs universelles qui unissent les nations dans l’esprit olympique. Plutôt que de diaboliser ou de sanctifier la cérémonie, peut-être devrions-nous en profiter pour engager un débat ouvert et honnête sur ce que signifie être une société véritablement libre et inclusive. Comme l’a si bien dit Descartes, appliquons bien notre esprit et gardons à l’esprit que la diversité des opinions, même lorsqu’elle dérange, est la marque d’une société en bonne santé.