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Trump et les droits de douane : la guerre commerciale totale est déclarée

trump brandissant les tarifs nouveaux douanier

Le 2 avril 2025, Donald Trump a frappé un grand coup – façon bélier dans une vitrine de porcelaine. Il a instauré unilatéralement une salve de nouveaux droits de douane massifs sur les importations étrangères. Et pas seulement contre la Chine, sa cible favorite : cette fois, c’est littéralement le reste du monde qui est visé.

Officiellement baptisé « jour de la libération », ce basculement protectionniste marque la fin du libre-échange tel que les États-Unis l’avaient eux-mêmes imposé depuis 1945. Derrière les grands discours patriotiques et les tweets triomphalistes, cette décision répond à un constat implacable : le déficit commercial américain est devenu une hémorragie ingérable. Reste que la méthode – brutale, unilatérale, opaque – soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.


1. La fin du mythe néolibéral

Depuis les années 1980, les États-Unis ont été les architectes zélés d’une mondialisation néolibérale fondée sur le libre-échange, la déréglementation et la course au moins-disant social. Cette logique a permis à l’Occident d’importer à bas coût, à la Chine de devenir l’usine du monde, et aux multinationales de gonfler leurs marges tout en optimisant leurs impôts via une joyeuse gymnastique fiscale.

Mais cette mondialisation heureuse a un prix. Pour les États-Unis, c’est un déficit commercial abyssal – plus de 1 200 milliards de dollars en 2024, soit 60 % de plus d’importations que d’exportations. Autrement dit : l’Amérique achète massivement à l’étranger, mais vend de moins en moins. Une désindustrialisation galopante, des chaînes d’approvisionnement vulnérables, et une dépendance stratégique à des puissances rivales comme la Chine.


2. Le « jour de la libération » ou le retour de la hache

Trump a donc décidé d’en finir. Exit les subtilités diplomatiques : à partir du 5 avril, un tarif douanier de 10 % frappe tous les pays, y compris les alliés. À cela s’ajoute, à partir du 9 avril, une surtaxe proportionnelle au déficit commercial avec les États-Unis – jusqu’à 44 % supplémentaires pour les pays excédentaires, avec la Chine comme cible principale (+34 % en plus des taxes de février).

Résultat : certains produits chinois arrivent désormais avec plus de 50 % de droits de douane. L’Europe ? Elle prend 20 % en moyenne, mais certains pays comme l’Allemagne ou l’Italie écopent de 27 à 29 %. Pendant ce temps, le Royaume-Uni, post-Brexit, s’en tire avec un doux 10 %. Merci Bruxelles !


3. Conséquences en cascade : inflation, chômage et chantage diplomatique

À court terme, les effets sont mécaniques :

Une hausse des prix pour les consommateurs américains, évaluée à +2 à +4 points d’inflation ;

Une perte de pouvoir d’achat, un coup d’arrêt à la croissance et une bourse qui fait la grimace ;

Un soutien temporaire à l’emploi industriel, mais aussi une augmentation des coûts de production pour les entreprises locales, elles-mêmes dépendantes d’importations.

À moyen terme, l’impact à l’échelle mondiale s’annonce vertigineux. En France, par exemple, 15 milliards d’euros d’exportations sont menacés, soit 0,5 % du PIB. L’Allemagne pourrait perdre 1 point de PIB, et entraîner avec elle ses voisins européens. L’Europe, déjà à la traîne, risque donc de plonger un peu plus dans la récession.

Et ce n’est pas tout : le décret prévoit explicitement la possibilité de réduire les droits… à condition que les pays s’alignent sur les “intérêts économiques et sécuritaires des États-Unis”. Traduction : la carotte n’est qu’un bâton peint en orange. La diplomatie économique façon Trump tient plus de la méthode Corleone que du manuel de l’OMC.


4. Une logique de guerre froide économique

Derrière ce virage protectionniste, il y a une logique stratégique : reconstituer une capacité industrielle nationale, notamment dans les secteurs de défense. Car Trump l’affirme dans son décret : la désindustrialisation menace directement la sécurité nationale. Et l’expérience ukrainienne l’a démontré : les États-Unis, en livrant massivement du matériel à Kiev, se sont retrouvés avec des stocks militaires anémiques.

Le protectionnisme devient ici un outil de sécurité. Il ne s’agit plus seulement de compétitivité, mais de souveraineté. Ce changement de paradigme s’accompagne d’une autre offensive : la dévalorisation du dollar pour soutenir les exportations américaines. Objectif : rendre l’économie américaine plus résiliente face à une future crise géopolitique – ou à un conflit plus direct ? L’ombre de la Chine n’est jamais très loin.


5. Et maintenant ?

Ce qui suit, c’est une tentative de reformatage du commerce mondial. Trump ne cache pas son intention de passer des accords bilatéraux en position de force, pays par pays, pour obtenir des concessions maximales. Déjà, 70 pays ont demandé l’ouverture de négociations.

Mais à quel prix ? En injectant une telle dose d’instabilité, les États-Unis sapent leur propre crédibilité. La Chine, paradoxalement, se présente désormais comme un pôle de stabilité pour ses voisins. Des discussions trilatérales viennent de s’ouvrir entre Pékin, Séoul et Tokyo.

La nouvelle doctrine commerciale américaine pourrait bien précipiter l’avènement d’un monde multipolaire, où l’hégémonie des États-Unis ne fait plus recette.


Ce qu’il faut retenir

Le libre-échange généralisé, promu par les États-Unis depuis 80 ans, est officiellement mort.

Trump ne cherche pas seulement à équilibrer les comptes : il veut refonder la souveraineté industrielle américaine.

Les mesures sont brutales, coûteuses et risquées, mais s’inscrivent dans une logique stratégique à long terme.

Le monde entier est sommé de choisir : céder aux exigences de Washington, ou organiser une riposte.

L’Europe, toujours divisée, apparaît comme la grande perdante de cette nouvelle donne.


En imposant unilatéralement des droits de douane, Trump rejoue la carte du nationalisme économique. Mais à l’heure des chaînes d’approvisionnement mondialisées et des interdépendances systémiques, cette stratégie ressemble autant à une cure de désintox brutale… qu’à une tentative de survie sous respirateur artificiel.