Chronique littéraire et politique
Qui nâa jamais rĂȘvĂ© dâun nouvel ouvrage politique oĂč vertu rime avec autosatisfaction et anecdotes insignifiantes avec style soporifique ? Bonne nouvelle : YaĂ«l Braun-Pivet, prĂ©sidente de lâAssemblĂ©e nationale, ex-LREM, ex-LR, dĂ©sormais pilier du macronisme post-majoritĂ©, lâa fait. Son livre Ă ma place (Buchet-Chastel, 2024, 22 âŹ) coche toutes les cases du genre : une prĂ©tendue sincĂ©ritĂ©, quelques morceaux de vie ordinaire brandis comme des trophĂ©es, et surtout une incapacitĂ© fascinante Ă percevoir le fossĂ© entre le rĂ©cit politique et la rĂ©alitĂ© des Français.
Un livre pour lâhistoire⊠ou les rayons de supermarchĂ©
DĂšs les premiĂšres pages, lâautrice prend soin de nous rappeler quâelle connaĂźt les Français. Et quoi de mieux, pour le prouver, que de rĂ©vĂ©ler quâelle fait ses courses au Carrefour de Montesson ou quâelle adore aller pieds nus â manie importĂ©e du Japon, dit-elle. Le peuple apprĂ©ciera lâeffort dâexotisme.
Plus croustillant encore, le rĂ©cit minutieux de sa visite nocturne au rayon carcasses du marchĂ© de Rungis, Ă 4h du matin. Ădifiant. On retrouve Ă©galement la liste des plats dâanniversaire maison (boulettes, spaetzle, gĂąteau â le combo gagnant), les textos du prĂ©sident Macron ("Tâavoir au perchoir est une chance", sic), ou ses appels Ă AgnĂšs Firmin Le Bodo, avec qui elle cause fin de vie entre deux lois de finances. Des confidences aussi essentielles que celles dâun influenceur beautĂ© avant sa routine du soir.
Tout est historique, mĂȘme lâinsignifiant
Chez Braun-Pivet, lâanodin devient sacrĂ©. Son Ă©lection Ă la prĂ©sidence de lâAssemblĂ©e ? Rien de moins quâun « plafond de verre pluricentenaire qui explose ». Lâinscription de lâIVG dans la Constitution ? « Lâhistoire sâĂ©crit. » Sa commission des lois ? Elle « rayonne ». Si JĂ©sus transformait lâeau en vin, YaĂ«l, elle, transforme chaque moment banal en Ă©popĂ©e rĂ©publicaine.
Et pour enfoncer le clou, elle convoque les oracles : SĂ©bastien Lecornu y va de sa prophĂ©tie façon sĂ©rie Netflix â « Tu as du pif, tu vas gagner ». Quant Ă elle, entre deux citations sur « faire nation », elle confesse nâavoir « rien Ă cacher » et se prĂ©sente comme « un pur Ă©lectron libre ». HumilitĂ© quand tu nous tiens.
Une plume entre Jean-Claude Van Damme et Bruno Le Maire
LâĂ©criture est Ă la hauteur du propos. Elle « se met en mode solution », « change de logiciel », « fait sociĂ©tĂ© », « pilote des projets » et « mouille le maillot ». Dans ce condensĂ© de novlangue corporate, les punchlines volent bas : « Le dialogue est le meilleur mĂ©dicament pour une sociĂ©tĂ© qui tousse. » Van Damme nâaurait pas dit mieux. On guette la suite : « La dĂ©mocratie, câest comme un frisbee, ça revient toujours » ?
Démocratie 2.0 : le logiciel Braun-Pivet
La partie la plus troublante, câest lorsquâelle redĂ©finit la dĂ©mocratie. Elle suggĂšre dâĂ©carter des candidats qui tiendraient des propos « contraires aux valeurs rĂ©publicaines »⊠sans prĂ©ciser qui dĂ©cidera du seuil dâacceptabilitĂ©. Vieux fantasme technocratique : la dĂ©mocratie, oui, mais avec un filtre parental. Elle affirme aussi que le 49.3 est un instrument « de continuitĂ© dĂ©mocratique » et que les mesures liberticides du Covid nâont en rien « hypothĂ©quĂ© les libertĂ©s fondamentales ». Rappelons que ce gouvernement a instaurĂ© un pass sanitaire, puis vaccinal, puis un pass citoyen officieux pour continuer Ă vivre en sociĂ©tĂ©.
à sa place⊠dans un vide-ordures ?
Au fond, Ă ma place est un aveu. Lâautrice y confesse : « Nous voulions faire de la politique autrement⊠nous nâavons pas tenu cette promesse. » On pourrait sâen Ă©mouvoir. Mais en 2025, les Français, eux, nâattendent plus rien. Ils ont dĂ©sertĂ© les urnes, dĂ©sertĂ© la parole publique, dĂ©sertĂ© ces rĂ©cits oĂč les puissants sâĂ©coutent Ă©crire pendant que le pays tangue.
Alors pourquoi ce livre ? Pourquoi ce ton dâautocĂ©lĂ©bration sous prĂ©texte dâintrospection ? Pourquoi cette avalanche dâanecdotes autocentrĂ©es ? Peut-ĂȘtre parce quâil fallait occuper lâespace. Occuper sa place. MĂȘme si câest celle quâon ne lit jamais jusquâau bout.
đ§» In Her Place â A political memoir lost in its own echo
Literary & political commentary
By Une autre vie
Who hasnât dreamed of yet another political memoir filled with self-congratulations, grocery-store anecdotes, and rhetorical fluff delivered in prose flatter than a parliamentary speech by Olivier VĂ©ran? Good news: YaĂ«l Braun-Pivet, President of the French National Assembly and loyal Macronist, has written exactly that. Her book Ă ma place (In My Place, Buchet-Chastel, 2024, âŹ22) reads like a meditation on irrelevance â a revealing window into the detachment of power from the people.
A book for the ages â or the clearance bin
From the opening lines, Braun-Pivet wants you to know she understands les Français. And what better proof than to reveal she shops at the local Carrefour, walks barefoot thanks to a habit picked up in Japan, and once visited the meat section of Rungis Market at 4 AM. Her birthdays feature homemade spaetzle, her closest friend is a minister, and she gets personal texts from Emmanuel Macron (âHaving you at the perch is a blessingâ). Touching.
This is not a memoir. Itâs a selfie with footnotes.
Everything is historic. Even when it isnât.
For Braun-Pivet, the mundane is sacred. Her election to the presidency of the National Assembly? A "multi-century glass ceiling shattered." The constitutional inclusion of abortion rights? âHistory being written.â Her legislative committee? It "radiates."
Even SĂ©bastien Lecornu gets a prophecy in â âYou have a nose for this, youâll win.â Move over, Isaiah.
In her eyes, she is an independent spirit, a resilient leader, an authentic voice for the people. One who ânever complains,â âalways listens,â and âserves the general interest.â Move aside, Joan of Arc. YaĂ«l's got this.
Political wisdom meets LinkedIn jargon
The bookâs prose is a blend of corporate lingo and empty catchphrases: âChange the software,â âBe in solution mode,â âMake society,â âLead new projects,â âGo all in.â At times, it reads like Bruno Le Maireâs rĂ©sumĂ© colliding with Jean-Claude Van Dammeâs philosophy.
Sample line: âQuestions fly, itâs raw, no spin, we brainstorm.â
Someone please pass the coffee and a stress ball.
Democracy 2.0 â Ă la Braun-Pivet
The most revealing parts are the ones meant to be serious. Braun-Pivet floats the idea that candidates spreading âhate speechâ might be barred from running â without ever defining who decides what constitutes such speech.
She insists the government didnât curtail liberties during the COVID crisis, since everyone acted âwith the full strength of democracy.â Apparently, QR codes and vaccine passports were democratic too â just misunderstood.
And of course, the 49.3, the infamous article used to force legislation without a vote, is framed as ânecessary for democratic continuity.â Orwell would have blushed.
Why this book? Why now?
Late in the book, Braun-Pivet confesses: âWe wanted to do politics differently⊠but we didnât keep that promise.â A rare flash of honesty â or a moment of PR crisis management?
The truth is, Ă ma place is not a book about France or its future. Itâs a book about a political class trying to justify its relevance, clinging to its rituals while the country quietly drifts away.
A memoir in name only, it documents the disconnection of a power structure more interested in self-portraits than in substance.
So, why this book? Because in todayâs politics, being seen matters more than being believed.
You can file it where it belongs. In the chute. In Her Place.